Introduction
– La maladie de décompression survient dès lors qu’une diminution rapide de la pression atmosphérique s’exerce sur le corps humain. Beaucoup d’accidents sont dus à la haute pression, en profondeur elle est générée par la hauteur d’eau s’ajoutant à la pression atmosphérique de surface.
À 10 m de profondeur, l’eau de mer exerce une pression équivalente à la pression atmosphérique standard au niveau de la mer qui est de 1,03 kg/cm2, 760 mmHg, ou 1 atmosphère absolue (atm abs) et donc, la pression totale à cette profondeur est de 2 atm abs. Chaque palier supplémentaire de 10 m de profondeur ajoute 1 atm de pression.
La quantité de gaz inerte (azote, hélium …) dissout dans le sang augmente avec la pression ambiante. (Loi de Henry)
Quand la pression environnante diminue lors de la remontée, des bulles (principalement azote) peuvent se former. Les bulles de gaz peuvent apparaître dans n’importe quel tissu et entraîner des symptômes localisés ou atteindre des organes éloignés par voie sanguine (embolie gazeuse artérielle). Les bulles entraînent les symptômes en obturant les vaisseaux par rupture ou par compression des tissus, en induisant des lésions endothéliales et une extravasation du plasma, ou en activant les cascades de l’inflammation et de la coagulation. L’azote se dissolvant facilement dans la graisse, les tissus présentant un taux élevé de lipides (p. ex., le système nerveux central) sont particulièrement sensibles.
Ces processus sont responsables des signes cliniques musculo squelettiques et parfois de lésions vitales neurologiques, pulmonaires ou vasculaires.
– Les circonstances de survenue ne se limitent pas au classique accident de plongée en eau profonde, mais également à la sortie d’une séance de caisson hyperbare, mais aussi chez des employés travaillant dans des tunnels ou des caissons (structures étanches utilisées dans la construction) dans lesquels de l’air sous pression est utilisé pour éliminer l’eau des sites de travail et maintenir en partie la structure en cours de construction, ou lors une (re)montée en altitude trop rapide...
Facteurs de risque
La maladie de décompression survient dans environ 2 à 4/10 000 plongées chez les plongeurs amateurs. L’incidence est plus élevée chez les plongeurs commerciaux, qui présentent souvent des lésions musculo-squelettiques mineures. Les facteurs de risque comprennent tous les éléments suivants :
– Plongées en eau froide
– Déshydratation
– Effort après plongée
– Fatigue
– Voler après une plongée
– Obésité
– Grand âge
– Plongées prolongées ou profondes
– Remontées rapides
– Shunts cardiaques droit-gauche
Comme l’azote en excès reste dissout dans les tissus pendant au moins 12 heures après chaque plongée, les plongées répétées sur 1 jour exposent à la maladie de décompression. La maladie de décompression peut également se développer si la pression diminue en-dessous de la pression atmosphérique (p. ex., après une exposition à l’altitude).
Régulation de l’appel au 15
– Tout accident de décompression suspecté nécessite un examen médical détaillé et horodaté. Le diagnostic est clinique et l’examen médical initial recherchera les signes d’atteinte cutanée, articulaire ou vasculaire voire cardio circulatoire, respiratoire, médullaire ou encéphalique dans les cas les plus grave.
– les symptômes sont parfois différés de quelques heures à 24-48h, la surveillance en milieu hospitalier est la règle
– l’oxygénothérapie normo voir hyperbare est indiquée sur des arguments cliniques, tout comme le transport médicalisé et l’orientation hospitalière : urgences, réanimation, centre spécialisé de recompression par Caisson Hyperbare (CHB).
– il est logique que chaque SAMU confronté à la prise en charge d’accident de décompression sur son département mette en place une procédure spécifique visant à vérifier de façon périodique la disponibilité du (des) CHB de secteur et l’activation du transport héliporté de jour comme de nuit en cas d’éloignement du CHB. Le transport sanitaire en aéronef est possible. Si une évacuation par voie aérienne est nécessaire, un avion pressurisé à 1 atmosphère est préféré. Dans les avions non pressurisés, une basse altitude (< 609 m) doit idéalement être maintenus et de l’oxygène administré en continu. Les aéronefs des compagnies aériennes commerciales affichent systématiquement une pression de cabine équivalente à 2438 m ce qui peut accentuer les symptômes. Prendre un vol commercial peu de temps après une plongée peut déclencher les symptômes.
Mise en condition initiale
– Dans tous les cas ou la décompression est suspectée, débuter une oxygénothérapie normobare à haut débit et quelle que soit la valeur initiale de la SpO2 en AA. L’objectif est de saturer le sang en O2 et ainsi déplacer le gradient de pression alvéolo capillaire en Azote et résorber les bulles embolisées.
– Sécher et réchauffer passivement le patient le cas échéant,
– Immobiliser les fractures
– Ne pas retarder le bilan au SAMU par des procédures non essentielles
– Hydrater per os par petites gorgées lorsque l’état de conscience le permet et présentant des manifestations bénignes. Les liquides IV isotoniques et sans glucose sont indiqués en cas de manifestations graves.
– Ne pas placer le patient en position déclive - pas de Trédelenburg , du fait du risque d’augmentation de la PIC et d’aggravation des lésions de la barrière hématoencéphalique.
Diagnostic
Interrogatoire du patient ou de l’entourage
– Toute situation de variation brutale de la pression environnante (dépression)
– Non respect des essentiels paliers de décompression (détoxication azotée insuffisante)
– Décompression inadéquate ou dépassement des limites de non-décompression (durée et profondeur et fréquence des plongées).
– Vol ou escalade en altitude dans les suites immédiates (12-24 h) d’une plongée (augmente le gradient de pression)
– Rechercher des facteurs aggravants : tabagisme, prise d’alcool la veille de la plongée, exposition au froid, hypothermie après la plongée, antécédents de maladie de décompression.
Signes cliniques
Plus les signes surviennent précocement, plus l’accident est grave.
Les symptômes graves se manifestent donc en quelques minutes après le retour en surface, mais, chez la plupart des patients, ils apparaissent progressivement, parfois précédés d’une sensation de malaise, de fatigue, d’anorexie et de céphalées.
Les symptômes apparaissent dans l’heure qui suit le retour en surface chez 50% des patients et dans les 6 heures chez 90% d’entre eux, avec un délai moyen à 62 minutes.
Exceptionnellement, les symptômes se manifestent 24 à 48 heures après le retour en surface, notamment après une plongée suivie d’une montée en altitude (comme un voyage aérien).
Signes cutanés, articulaires, musculaires
– Douleurs multiples, sourdes, profondes, lancinantes résolutives en moins de 10 minutes. L’épaule est l’articulation la plus souvent atteinte. L’évolution parfois progressive de ces douleurs articulaires est parfois faussement rassurante, la victime mettant les douleurs sur le compte d’une simple fatigabilité musculaire liée à l’effort. Attention au déni de l’accident de décompression : "ça va passer, docteur !"
– prurit, sensation de brûlure cutanée sans lésions visibles
– puces et moutons, livedo, marbrures ou "cutis marmorata"
– douleurs musculaires, tendineuse ou articulaires : "bends". Les douleurs musculaires concernent les membres supérieurs 3 fois plus souvent que les membres supérieurs. Les douleurs musculaires peuvent parfois masquer les signes neurologiques d’une forme plus grave donc.
Signes ORL
– Troubles de l’équilibre périphérique, vertige, nausées
– Douleurs dentaires parfois intolérables
Signes neurologiques cérébro médullaires
– Convulsions
– Dysesthésies des extrémités
– Trouble de la vue uni ou bilatéral, amaurose, restriction de l’acuité visuelle, scotome
– Trouble de la parole, aphasie,
– Vertiges d’origine centrale, syndrome vestibulaire harmonieux, nystagmus, Romberg latéralisé
– Lésions médullaires suspendues, syndrome de Brown Sequard, ou distales (atteintes dorsolombaires les plus fréquentes)
– Troubles moteurs, monoplégie, hémiplégie, paraplégie
– Troubles sphinctériens
– Troubles sensitifs superficiels ou profonds (péjoratifs)
– Globe vésical sur vessie neurogénique
Signes cardio circulatoire
– Œdème lymphatique (aspect de piqures cutanées indolores)
– CIVD
– Ouverture d’un foramen ovale perméable (prévalence de 30% dans la population générale)
– Syndrome coronarien aigu par bulle intra coronaire
– HTAP
– Troubles du rythme supra et ventriculaires (FV)
– Insuffisance circulatoire aiguë
– Etat de choc cardiogénique
– Arrêt cardiaque
Signes digestifs
– Nausées, vomissements
– Diarrhée
Classification clinique
Accidents de type 1 (bénin)
– Signes cutanés (prurit, exanthème)
– Douleurs articulaires aiguës
Accidents de type 2 (grave)
– Signes d’atteinte de l’oreille interne (vertiges, acuité auditive)
– Signes neurologiques focaux déficitaires (hémi, para plégie)
Bilan para clinique
L’accident de décompression est un diagnostic clinique. Il n’existe pas à ce jour une examen biologique ou para clinique attestant le diagnostic.
Bilan de routine
– Monitorage de la SpO2,
– mesure de la Glycémie,
– mesure du CO / HbCO
– ECG (ne pas hésiter à répéter en cas de douleur thoracique d’allure non mécanique)
Biologie embarquée à la recherche de :
– hémoconcentration
– CIVD
FAST écho en cas de traumatismes associés
– Orienter le patient vers un centre disposant d’une IRM et d’un CHB avec USI / réanimation
Signes aggravants
– Hypothermie (la vasoconstriction retarde la détoxication azotée)
– Retard au diagnostic et à la prise en charge médicale
– Foramen ovale perméable (risque cérébrovasculaire direct)
– Évacuation en aéronef avec pression cabine > pression du niveau de la mer
Traitement
Thérapeutique symptomatique
– O2 normo bare en FiO2 100%
– Voie veineuse périphérique avec NaCl 0.9% ou ringer lactate 1 à 2 ml/kg/h
– En accord avec le médecin hospitalier receveur, envisager l’acide acétylsalicylique (aspirine) 500mg en l’absence de traumatismes à potentiel hémorragique
Thérapeutique spécifique
Type 1
– Oxygénothérapie normobare et simple surveillance si signes cutanés isolés
– OHB en cas de lésions articulaires (à visée antalgique)
Type 2
– O.H.B. traitement étiologique :
- lutte contre l’hypoxie périphérique
- réduit l’importance des bulles
- augmente la vitesse de dissolution du gaz diluant
Ventilation invasive
– L’intubation / ventilation mécanique est indiquée dès lors que l’hémathose n’est pas obtenue par les moyens d’oxygénothérapie classique (MHC)
Exsufflation à l’aiguille et drainage
la décompression à l’aiguille sera envisagée en cas de pneumothorax compressif, mais aussi le pneumothorax simple, le drainage étant réalisé dans la foulée.
NB : la ponction exsufflatrice à l’aiguille peut être envisager en cas de trouble circulatoire secondaire associé du fait du fort potentiel évolutif du pneumopéritoine sur rupture d’organe creux.
Surveillance
– Pression artérielle, fréquence cardiaque, scope, signes de choc
– Fréquence respiratoire, SpO2.
– Conscience, Glasgow, examens neurologiques rapprochés.
– Importance de répéter l’examen clinique et tout particulièrement neurologique et ECG
– Diurèse
Critères de transport non médicalisé
– lorsque l’analyse des circonstances et l’examen clinique complet éliminent les lésions neurologiques ou respiratoires ou tout autre signe de gravité
– la destination hospitalière est proche
– le patient est orienté vers un plateau multidisciplinaire adapté à la prise en charge initiale des accidents de décompression
Critères de transport médicalisé
– Dans tous les autres cas de circonstances ou d’anomalie de l’examen clinique
– le transport médicalisé étant décidé sur des critères cliniques même en l’absence de détresse vitale
– le patient est toujours orienté vers un plateau multidisciplinaire adapté aux accidents de décompression, avec idéalement une disponibilité de l’IRM, du CHB et d’un lit de réanimation.
Dans tous les cas de d’accident de plongée avec transport médicalisé ou non, il sera important de transporter l’équipement de plongée afin de diagnostiquer la nature du problème mécanique le cas échéant : défaut de détendeur, de régulateur, contamination au CO...
Critères d’oxygénothérapie hyperbare - Caisson hyperbare
– tout accident de décompression sera systématiquement proposé au centre spécialisé et le médecin responsable du CHB déterminera avec le médecin régulateur du SAMU si les symptômes sont bien liés à l’accident de décompression et si la thérapie HBO est appropriée.
– Il est logique de rapprocher tout patient sans signe de gravité mais suspect d’un accident aigu de décompression d’un centre ayant un plateau technique polyvalent avec CHB
– Tous les Types 2 sont orientés vers un CHB avec accès à un lit de soins continus ou de réanimation.
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