Les recommandations actuelles de port de masque FFP2 réservent ce type de masque de protection respiratoire pour les soignants lors des activités à risque d’aérosolisation.
La vague épidémique qui touche de nombreux établissements et la concentration des patients infectés dans des unités dédiées (réanimations, unités COVID) peut amener à revoir ces indications.
Le présent avis complète les recommandations de la SFMT du 21 mars 2020 faites aux médecins du travail surveillant des personnels d’établissements de santé.
Ces recommandations sont faites en accord avec le Conseil Scientifique de la SF2H.
La SFMT a pris en considération les éléments suivants :
La transmission du SARS-CoV2 semble nécessiter la proximité immédiate avec des personnes infectées, par transmission directe de virus émis sur des particules issues des voies aériennes ou par l’intermédiaire de surfaces (Pung, 2020).
Une étude a retrouvé des virus SARS-COV2 en de nombreux endroits de la chambre d’un patient infecté, jusqu’à la bouche d’aération, les vitres ou la poignée de porte (Ong, 2020), confirmant ce qui avait été observé avec le SARS-CoV (Booth, 2005).
Les données acquises sur le SARS-CoV peuvent être utilisées dans la réflexion sur les modes de transmission et sur la prévention cis à vis du SARS-CoV2. Ainsi, dans une étude expérimentale, la survie du SARS-CoV2 maintenu dans un aérosol était équivalente à celle du SARS-CoV, avec une réduction de 1 log en 3 heures. La demi-vie dans un aérosol était de 1,1h pour le SARS-CoV2 (0,64-2,64). Par ailleurs, la demi- vie du SARS-CoV2 était proche de celle du SARS-CoV sur le plastique (6,8h) et sur le métal (5,6h). La survie la plus longue était sur le plastique et il fallait attendre 72h pour ne plus avoir de virus détectable (van Doremalen, 2020).
La distinction entre transmission gouttelette et transmission par voie aérienne pour pragmatique et opérationnelle qu’elle soit, n’est pas dichotomique. L’émission par un individu, malade ou non, de particules concerne des particules de diamètre variable, allant de particules sub-microniques à plus de 100 microns (mcm).
Une étude chez des patients grippés a ainsi montré que 43% de l’ARN viral émis par les patients était porté par des particules d’un diamètre aérodynamique inférieur à 1 micron (Lindsley, 2010), bien que cette affection soit considérée comme à transmission gouttelette.
La respiration simple émet 10 à 104 particules par litre d’air expiré, avec une forte disparité selon les individus. Il y a une prédominance des particules de diamètre inférieur à 1 micron. Lors de la parole, un individu peut émettre de 1 à 5 000 particules par minute, d’une taille allant jusqu’à 60 microns. La toux génère 103 à 104 particules, de tailles comprises entre 0,5 et 30 microns. Un éternuement génère environ 106 particules de 0,5 à 16 microns (AFSSET, 2009).
La granulométrie des particules émises lors d’une toux est majoritairement inférieure à 2 microns (particules bronchiques). L’air expiré contient plus de 95 % de particules submicroniques.
Cependant en masse, ce sont les particules les plus grosses qui sont prépondérantes (Zhu, 2006).
De plus, l’évolution de la taille des particules émises varie selon la température et l’hygrométrie. Ainsi, des particules de taille thoracique peuvent rapidement se déssiquer et atteindre un diamètre aérodynamique moyen leur permettant de rester en suspension dans l’air (Xie, 2007).
Sur la base de la publication de Roy et Milton (Roy & Milton, 2004), le CDC suggérait en 2007 de s’affranchir de cette distinction dichotomique et de raisonner en mode de transmission obligatoire, préférentiel ou opportuniste (Siegel, 2007).
La grippe ou le SARS-CoV, bien que à transmission préférentiellement de type gouttelette, ont ainsi dans des circonstances rares été transmis par voie aérienne (Chu, 2005 ; Siegel, 2007).
Un autre paramètre à prendre en considération est pour le MERS ou le SARS la description en milieu hospitalier de cas groupés secondaires à des patients très excrétant (Wong, 2015). Pour le SARS-CoV2, en dépit d’un R0 compris entre 2 et 3, un patient a ainsi été responsable de 11 cas secondaires dans un cluster à Singapour (Pung, 2020).
Il faut enfin probablement considérer la concentration de patients atteints de COVID19 dans une unité, la charge virale à laquelle sont exposés les soignants, et donc le risque de contamination en dépendant.
Ces réflexions sur les modes de transmission air ou gouttelette ont un impact direct sur le type d’équipement de protection respiratoire à fournir aux soignants.
Expérimentalement, le port d’un masque chirurgical permet de réduire d’un facteur 3 le nombre de particules sub-microniques inhalées par le porteur, mais 40% de ce qui pénètre dans le masque passe par les côtés du masque (Derrick, 2006). Cette fraction est probablement moindre quand le masque chirurgical est bien adapté au visage.
Le masque FFP2 laisse passer une petite partie (environ 8%) de l’aérosol auquel est exposée la personne qui le porte à cause des fuites sur les côtés du masque, le pouvoir filtrant du masque en lui-même étant d’au moins 94% pour des particules de 0,01 à 1 µm.
In fine, la réalité de la protection offerte par les masques, y compris chirurgicaux ou de type FFP2, dépend en fait de nombreux autres facteurs que les caractéristiques intrinsèques des masques, telles que l’adaptation au visage, le port de barbe ou la fréquence ventilatoire (Lindsley, 2012).
Ceci explique que, en pratique clinique, les masques de protection respiratoire ne semblent pas réduire significativement plus le risque de grippe chez les personnels de soins que des masques chirurgicaux (Loeb, 2009 ; Radonovich, 2019).
Toutefois, plusieurs études menées lors de l’épidémie de SARS-CoV avaient montré une tendance vers une meilleure protection des personnels par le masque de type N95 par rapport au masque chirurgical, bien que la différence ne soit pas statistiquement significative (Siegel, 2007).
Le port d’un masque FFP2 peut être mal supporté au long cours et la tolérance du masque en continu atteint rarement 2h (Shenal, 2012).
En période de pénurie de masques FFP2, ceci peut justifier de devoir enlever puis remettre le même masque.
Le fait d’enlever puis de remettre un masque FFP2 n’altère pas significativement son adaptation au visage, et donc sa protection, au moins durant les 5 premières manipulations (Bergman, 2012).
Le port d’un masque chirurgical est actuellement préconisé en France pour la prise en charge par les soignants de cas suspects, possibles ou confirmés de COVID 19, sur la base d’une transmission de typegouttelette, le masque FFP2 étant réservé aux situations à risque d’aérosolisation (SF2H, 2020). C’est également la position de l’OMS. L’ECDC recommande le masque FF2 ou FFP3 pour les soignants en contact avec des patients CIVID19 possibles ou confirmés (ECDC, mars 2020), ou le masque chirurgical en cas de pénurie de masque FFP2 (ECDC, février 2020). C’est également la position des Centers for Disease Control and Prevention Américains. [1]
La SFMT recommande :
Dans cette situation particulière créée par la disponibilité relative des différents types de masques dans les services de soin :
Que tous les personnels de soins au contact des patients (identifiés COVID19 ou non) soient équipés de masques chirurgicaux.
Que la prise en charge initiale d’un patient COVID19 puisse se faire selon les recommandations actuelles (précautions gouttelettes et contact renforcées), ce qui implique le port d’un masque FFP2 pour toute situation à risque d’aérosolisation.
Que dans les secteurs de réanimation avec des patients COVID19, les soignants soient systématiquement équipés de masques FFP2.
Que les masques FFP2 puissent être portés jusqu’à 8h.
Qu’en cas de pénurie, ils puissent être enlevés puis remis pendant cette période de 8h, sous réserve d’une manipulation prudente et d’une hygiène des mains après avoir touché le masque.
Que le masque soit changé s’il est souillé ou visiblement abimé.
Que des recherches soient menées sur l’évolution de la distribution granulométrique des particules infectantes en fonction du temps et de la distance par rapport à l’émission.
[2] https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/infection-control/control-recommendations.html
Références
AFSSET. Évaluation du risque sanitaire pour l’homme lié à la présence de virus Influenza pandémique dans l’air des bâtiments et à sa propagation éventuelle par les dispositifs de ventilation. 2009.
Bergman MS, Viscusi DJ, Zhuang Z, Palmiero AJ, Powell JB, Shaffer RE. Impact of multiple consecutive donnings on filtering facepiece respirator fit. Am J Infect Control. 2012 May ;40(4):375- 80.
Booth TF, Kournikakis B, Bastien N, Ho J, Kobasa D, Stadnyk L, Li Y, Spence M, Paton S, Henry B, Mederski B, White D, Low DE, McGeer A, Simor A, Vearncombe M, Downey J, Jamieson FB, Tang P, Plummer F. Detection of airborne severe acute respiratory syndrome (SARS) coronavirus and environmental contamination in SARS outbreak units. J Infect Dis. 2005 May 1 ;191(9):1472-7.
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