Epuration digestive lors des intoxications aigües

 1996  |  Janvier 2004  |  0 Commentaires
  HAS

Nîmes, le 27 Novembre 1992,

Cette conférence a reçu le label de l’Agence Nationale pour le Développement de l’Evaluation Médicale (ANDEM). Ce label concerne la qualité de la méthodologie utilisée et ne préjuge en rien du contenu des conclusions et des recommandations du jury qui en assure seul la responsabilité.

Les intoxications aiguès sont fréquentes, généralement accidentelles chez l’enfant, volontaires chez l’adulte. Le diagnostic repose sur l’anamnèse, recueillie par l’entretien avec le patient et/ou les accompagnants. L’analyse toxicologique est inutile pour décider de l’épuration digestive. Le lavage gastrique est, en France, la méthode la plus utilisée, mais son efficacité clinique n’est pas établie. D’autres méthodes sont proposées : vomissements provoqués, adsorption des substances toxiques sur charbon activé, accélération du transit intestinal.

L’objectif de la Xe Conférence de Consensus de la Société de Réanimation de Langue Française qui s’est tenue à Nîmes le 27 novembre 1992, était de préciser la place des différentes méthodes d’épuration digestive dans le traitement des intoxications aigües par ingestion.*

Les contre-indications à l’ensemble des méthodes d’épuration digestive apparaissent sur le tableau I.

TABLEAU I : Contre indications à l’épuration digestive dans les intoxications aigües

 Intoxication par caustiques, hydrocarbures, produits moussants.
 Altération de l’état de conscience (présente ou susceptible de survenir à brève échéance), sauf si le malade est intubé avec sonde à ballonnet gonflé.
 Chez le malade non intubé, toute situation comportant un risque d’inhalation :

  • convulsions
  • perte des réflexes de protection des voies aériennes supérieures
  • personnes âgées dépendantes

 Age inférieur à 6 mois.
 Condition hémodynamique précaire (sauf pour le charbon activé)
 Iléus (sauf pour le lavage gastrique).

 1° - Quel est l’intérêt des vomissements provoqués ?

Les vomissements provoqués sont licites dans l’heure suivant une ingestion de produits à fort potentiel toxique (Tableau II). Le sirop d’Ipeca est préconisé. Il doit être administré par un médecin. Il ne doit pas être intégré dans les pharmacies familiales mais dans la trousse du médecin de famille, des SMUR et des Services d’Urgences Hospitalières. La posologie du sirop d’Ipéca est : de 6 à 9 mois, 5 ml ; de 9 à 12 mois, 10 ml ; de 1 à 12 ans, 15 ml ; au dessus de 12 ans, 30 ml. La dose doit être répétée une fois si aucun vomissement n’est survenu 20 minutes après l’ingestion. L’inconvénient de cette méthode est de retarder l’administration du charbon activé. Dans la circonstance exceptionnelle où un patient est examiné immédiatement après l’ingestion d’une substance hautement toxique, l’injection d’apomorphine est recommandée.

TABLEAU II : Principales substances à fort potentiel toxique impliquées dans les intoxications aigües par ingestion (*)

 Toxiques lésionnels

  • Paraquat,
  • Colchicine

 Toxiques fonctionnels

  • Antiarythmiques, Antidépresseurs
  • tricycliques, Barbituriques, Carbamates
  • Chloroquine, Digitaline, Théophylline

* Liste non-exhaustive. Pour toutes les autres substances, les Centres Anti-Poisons disposent de banques de données.

 2° - Quel est l’intérêt du lavage gastrique ?

Le lavage gastrique est pénible pour le patient et long pour l’infirmière. Il ne dissuade pas l’adulte récidiviste ; il ne doit pas punir l’enfant désobéissant. Il n’est pas utile dans l’intoxication aux benzodiazépines et hypnotiques apparentés. Il n’y a pas de consensus dans les autres situations. Il est rationel de le proposer en milieu hospitalier dans les intoxications par les substances à fort potentiel toxique (tableau II). Dans ce cas, le lavage gastrique peut être utile dans le but de soustraire de l’organisme des quantités -même infimes- de toxique, en association avec le charbon activé lorsqu’il s’agit d’une substance adsorbable. Néanmoins, l’association du lavage gastrique et du charbon activé n’a pas fait la preuve de sa supériorité sur la seule utilisation du charbon activé.

 3° - Quel est l’intérêt du charbon activé ?

Le charbon activé est utile dans toutes les intoxications médicamenteuses par substances adsorbables (Tableau III). L’alcool éthylique n’affecte pas les capacités d’adsorption sur le charbon des autres toxiques. L’administration de doses répétées ("entérodialyse") n’est pas codifiée. Elle est proposée dans les intoxications sévères par des substances adsorbables ayant un cycle entéro-hépatique, et/ou celles dont la clairance d’élimination digestive peut être augmentée.

Les complications sont rares. L’inhalation peut entraîner un syndrome de détresse respiratoire aigüe. La constipation est habituelle, mais il est inutile d’associer du Sorbitol à une prise unique. L’obstruction colique peut compliquer l’administration de doses répétées, tout particulièrement dans les intoxications par médicaments ralentissant le transit intestinal (tricycliques, neuroleptiques et autres substances atropiniques), et/ou lorsqu’il y a une pathologie associée comportant un ralentissement du transit intestinal.

Le produit utilisé est le charbon activé officinal ou commercial. Ce dernier est plus commode d’utilisation, en particulier lors de la mise en suspension dans l’eau (1 gramme pour 10 ml d’eau). Le patient doit boire lentement (10 à 15 minutes) la préparation afin de prévenir le vomissement. Les difficultés d’utilisation de ce produit salissant par le personnel soignant s’estompent avec l’habitude (par exemple : protection systématique par une alèse). Il peut être administré par sonde gastrique chez le patient intubé. Il est recommandé de présenter à l’enfant le charbon activé dans un récipient opaque afin d’en faciliter l’acceptation. L’adjonction d’édulcorant est inutile.

La dose recommandée est au moins dix fois la dose du toxique. Chez l’adulte, elle est de l’ordre de 50 à 100 g. Chez l’enfant, les posologies habituelles, à moduler en fonction de la dose ingérée, sont : moins de 10 kg, 10 à 20 g ;10 à 15 kg, 20 g ; 15 à 20 kg, 20 à 30 g ; plus de 20 kg, 30 à 50 g.

TABLEAU III : Principales substances carbo-adsorbables (*)

 Antidépresseurs tricycliques Chloroquine Paraquat,
 Barbituriques Colchicine Phénothiazines
 Benzodiazépines Digitaliques Salicylés
 Bêta-bloqueurs Méprobamate Théophylline
 Carbamazépine Paracétamol

* Liste non-exhaustive. Pour toutes les autres substances, les Centres Anti-Poisons disposent de banques de données.

 4° - Quel est l’intérêt de l’accélération du transit intestinal ?

L’accélération du transit intestinal peut être obtenue par ingestion de Sorbitol ou par irrigation intestinale continue par une solution de Polyéthylène glycol. Le sorbitol est utile pour prévenir la constipation provoquée par le charbon activé administré à doses répétées. Le polyéthylène glycol a des indications exceptionnelles (intoxications vues tardivement, massives, par produits hautement toxiques non carbo-adsorbables).

 5° - Quelle est la place de l’épuration digestive dans les intoxications aigües ?

L’épuration digestive est envisageable en complément des traitements prioritaires (traitement symptomatique et antidotes éventuels), en l’absence des contre-indications (Tableau I).

a) Lorsque le patient est conscient :

 En cas d’intoxication par une substance faiblement toxique, une prise unique de charbon activé est indiquée, sauf quand la quantité ingérée est très faible, ce qui légitime l’abstention thérapeutique. Le lavage gastrique est inutile.
 En cas d’intoxication par une substance à fort potentiel toxique (tableau II), lorsque le patient est examiné moins d’une heure après l’intoxication, les vomissements provoqués sont indiqués, suivis de l’administration de charbon activé. Au delà de la première heure, le charbon activé est préconisé. Le lavage gastrique est indiqué dans les intoxications par toxiques lésionnels (Tableau II). En dehors de ce cas, il n’y a pas de consensus sur l’utilité d’associer les deux méthodes.

b) Lorsqu’il existe une trouble de conscience, l’épuration digestive peut être réalisée lorsque le malade est intubé (ballonnet gonflé) et que des substances à fort potentiel toxique sont incriminées (Tableau II). Lorsqu’un test au Flumazénil est positif (intoxication aux benzodiazépines) ou que l’altération de l’état de conscience n’impose pas l’intubation, le charbon activé est administré sous surveillance en soins continus, en raison du risque d’inhalation.

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