1) Messages importants
* La pancréatite aiguë est une des premières causes d’hospitalisation en gastro-entérologie.
* Dans 20 à 30% des cas, la pancréatite est nécrosante avec une mortalité de 30% (défaillances viscérales, infections des coulées de nécrose).
2) Physiopathologie et causes
– Il s’agit d’une inflammation de la glande pancréatique déclenchée par la libération d’enzymes activées pouvant aboutir à de la nécrose et à une cascade cytokinique responsable de défaillances multiviscérales.
– Les 3 principales causes sont :
• Les calculs biliaires (40-50%)
• L’alcoolisme chronique (30%)
• une sténose canalaire secondaire à une tumeur (rechercher après 50 ans en l’absence d’autre cause évidente).
Les autres causes sont :
– L´hypertriglycéridémies > 10 mmol/l
– L´hypercalcémie > 3 mmol/l
– Infectieuses (notamment parasitaires)
– Médicamenteuses (cf. annexe) et toxiques (cannabis)
– Traumatiques (externe, endoscopie)
– Auto-immunes ou immunologiques (Sjogren, lupus, CBP)
– Génétiques (mutations sur CFTR, CTRC, SPINK1, PRSS1)
3) Tri IAO
* Tri 2 avec installation au déchoc si signes de gravité hémodynamiques, respiratoires ou neurologiques (signes de choc)
* Tri 2 si hyperalgie et/ou vomissements incoercibles
* Tri 3 pour les autres cas
4) Présentation clinique et signes de gravité
A. Présentation typique
Douleur abdominale dans 100% des cas -> épigastrique, transfixiante, intense, permanente, aggravée par l’alimentation et pouvant induire une position antalgique en chien de fusil
Rechercher un terrain d’alcoolisme ou des antécédents de lithiase billiaire.
B. Les signes associés
• Nausées et vomissements
• Iléus réflexe
• Ictère
• Fièvre
• Pleurésie (gauche le plus souvent)
• Ecchymoses de l’ombilic, du flanc et de l’aine (signe de Cullen ou tâches de Gray Turner) => signes de gravité
C. Gravité clinique
1) Signes de choc en IAO
2) Calcul du score de SIRS (syndrome de réponse inflammatoire systémique) à l’admission et à 48h -> positif si présence d’au moins 2 des 4 critères suivants :
• Température < 36°C ou > 38°C
• Pouls > 90/min
• Fréquence respiratoire > 20/min ou PaCO2 < 32 mmHg
• Leucocytose < 4 G/l ou > 12 G/l ou présence de formes immatures circulantes (> 10% des cellules)
La persistance d’un SIRS à la 48e heure est associée à un risque de défaillance d’organe (mortalité de 25% pour un SIRS persistant versus 8% pour un SIRS transitoire).
L’obésité est un facteur aggravant.
Le calcul du score de Ranson n’est plus recommandé.
5) Prise en charge diagnostique et étiologique
A. Diagnostic positif
Lipasémie > 3 fois la normale : son augmentation débute en 4 à 8h après le début des symptômes avec un pic à la 24e heure et retourne à des valeurs normales dans un délai de 8 à 15 jours.
Classification des pancréatites aiguës
B. Diagnostic étiologique
Bilan étiologique initial
En l’absence de cause après ce premier bilan se discute à distance :
* Nouveau bilan biologique : lipidique, phosphocalcique, immunologique
* La répétition du scanner après régression de l’inflammation
* La pancréato-IRM avec coupes épaisses centrées sur le canal pancréatique principal pour rechercher une anomalie canalaire ( tumeurs intracanalaires papillaire et mucineuse)
* L’échoendoscopie : sludge biliaire ou microcalculs non vus en échographie
C. Place du scanner
- Diagnostic
Uniquement en cas de doute diagnostic devant une douleur abdominale typique précoce, sans élévation encore objectivée de la lipase, ou devant un abdomen aigu d’origine indéterminée.
Le scanner peut être fait sans injection en cas de défaillance rénale.
- Evaluation de la Gravité anatomique (à distance)
Scanner avec injection de produit de contraste entre 72 et 96 heures après le début des symptômes.
Il permet d’évaluer les lésions anatomiques et notamment la nécrose intra et extrapancréatique dont la gravité est évaluée par le score de Balthazar.
6) Prise en charge thérapeutique
A. Mesures générales
• Pose d’une VVP, monitorage, O2 en fonction de la saturation
• Administration d’antalgiques (niveau 3) et d’antiémétiques
• Mise à jeun
• Bilan biologique/ complémentaire : NFS, plaquettes, TP, TCA, ionogramme, urée, créatinine, calcémie, glycémie, BH complet, lipasémie, LDH, CRP, gaz du sang + prélèvement d’un tube gardé au frigo pour éventuel Groupe, Rh, RAI ± hémocultures en cas de fièvre ECG, Radiographie de thorax (recherche ascension diaphragmatique, pleurésie)
B. Traitement spécifique de la pancréatite aiguë
• Appel du réanimateur initialement devant tout critère de gravité ou secondairement devant une mauvaise évolution clinique
• Rééquilibration hydro-électrolytique dans les 24 premières heures : ringer lactate, au moins 3L/24h, à un débit de 5-10 ml/kg/h jusqu’à amélioration des paramètres biologiques
• Pas d’indication à un antibiothérapie préventive
• Si signes de gravité avec indication à passage en USC ou Réa -> nutrition entérale par sonde nasogastrique dans les 48h (prévention de la translocation bactérienne source d’infection de la nécrose)
• En cas de vomissements incoercibles : aspiration digestive
• En cas de défaillance viscérale : IPP indispensables en prévention de l’ulcère de stress
• Renutrition : peut être reprise dès que les douleurs diminuent et que les marqueurs inflammatoires s’améliorent.
Il y a peu d’intérêt à une alimentation légère ou liquide.
C. Traitement spécifique chirurgical ou médical en gastro-entérologie
• Cholécystectomie :
o En cas de PA bénigne de cause lithiasique la cholécystectomie est indiquée avant renutrition car le risque de récidive de migration lithiasique est de 20% le premier mois, de gravité imprévisible.
o En cas de PA grave : si elle est nécessaire, la cholecystectomie doit être reportée jusqu’à la disparition des coulées inflammatoires ou l’organisation des coulées de nécrose
• CPRE :
o PA bénigne : La CPRE précoce n’a aucune indication
o En cas de PA biliaire grave :
* la CPRE avec sphinctérotomie endoscopique ne doit être faite qu’en cas d’obstruction biliaire persistante avec ou sans angiocholite.
* si angiocholite : CPRE dans les 48h suivant l’admission.
• En cas de nécrose infectée : évacuation par voie radiologique, endoscopique ou chirurgicale
• En cas d’épanchements séreux : évacuation s’ils sont abondants
• En cas de pseudoanévrysmes : embolisation
7) Surveillance / Evolution
Critères d’hospitalisation en réanimation
• Pouls < 40 ou > 150/min
• PAS < 80 mmHg ou PAM < 60 mmHg ou PAD > 120 mmHg
• Fréquence respiratoire > 35/min
• Natrémie < 110 ou > 170 mmol/L
• Kaliémie < 2 mmol/L ou > 7 mmol/L
• PaO2 < 50 mmHg
• pH < 7,1 ou > 7,7
• Glycémie > 44,4 mmol/L
• Calcémie > 3,75 mmol/L
• Anurie
• Coma
• SIRS persistant
Critères de prédiction de l’évolution d’une PA à l’admission
• Terrain : comordidités, IMC
• Présence ou non d’un SIRS
• Signes de défaillance viscérale d’emblée
• Evolution après les premières mesures thérapeutiques (réhydratation +++) : persistance du SIRS
Efficacité de la rééquilibration hydroélectrolytique
• FC < 120/min
• PAM 65-85 mmHg
• Débit urinaire > 0,5-1 ml/kg/h
• Hématocrite 35-44% +++
Surveillance clinique : bi-quotidienne
Surveillance biologique : quotidienne
8) Devenir / Orientation
* Pancréatite aiguë grave -> réanimation
* Pancréatite aiguë modérément grave -> avis réa pour surveillance USR
* Pancréatite aiguë non grave -> gastroentérologie ou chirurgie viscérale
* Sortie -> une fois les douleurs contrôlées par des antalgiques per os après reprise d’une alimentation orale.
9) Annexes
A - Etiologies médicamenteuses
* Classe I : Asparaginase, Pentamidine, Azathioprine, Stéroïdes, Cytarabine, Sulfaméthoxazole-triméthoprim, Didanosine, Furosémide, Sulfasaline, Mésalazine, Sulindac, Mercaptopurine, Tétracycline, Opiacés, Acide Valproic, Oestrogènes
* Classe II : Paracétamol, Hydrochlorothiazide, Carbamazépine, Interféron, Cisplatine, Lamivudine, Cyclopenthiazide, Octréotide, Enalapril, Phenformine, Erythromycine, Rifampicine
B - Complications
10) Bibliographie
* Lévy P. Pancréatite aiguë. EMC - Traité de Médecine Akos 2015
* Lévy P. Recommandations internationales sur la pancréatite aigue. Post’U - Paris 2015
* Buscail L. Les pancréatites aiguës. Post’U - Paris 2016
* Conférence de consensus SNFGE - 2001
* Collège des enseignants d’hépato-gastro-entérologie - Edition 2018
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