Fibrillation atriale aux urgences

Dr David Giang et Caroline Toutboul (CD Hôtel Dieu), Dr Jean-Christophe Allo (SAU Orange)

 jeudi 2 juillet 2015  |  Janvier 2017  |  0 Commentaires
  SAU Cochin - Hôtel Dieu

 Message importants

 Trois axes dans la prise en charge de la FA : contrôle de la tachycardie, traitement antiarythmique et traitement anticoagulant
 Rechercher la cause et évaluer le retentissement de la fibrillation auriculaire (FA)
 la FA est responsable de contractions non coordonnées et inefficaces de l’oreillette qui s’accompagne d’une réduction du volume d’ejection ventriculaire de 5 à 15% (fonction de la fréquence et de la compliance ventriculaire notamment)
 Récupérer les ECG antérieurs (intérêt : connaitre l’ancienneté de la FA ou savoir si un wolff parkinson white est présent)
 Avant de réduire la FA, la question du début du passage en FA est primordiale mais il faut une certitude : heure du début des palpitations

  • si FA<48 h, une cardioversion médicamenteuse ou électrique peut être réalisée
  • sinon il faut anticoaguler le patient pendant au moins 3 semaines avant d’envisager une cardioversion
  • la FA entraine une stase du flux sanguin dans l’oreillette, en particulier dans l’auricule gauche, lieu de formation preferentiel d’un thrombus. Si le risque thromboembolique est minime avant la 48e heure le retour en rythme sinusal (spontané ou provoqué) s’accompagne d’un risque d’embol systémique dans les 30 j

 la FA non valvulaire est la plus fréquente des cardiopathies emboligènes (60% des infarctus cerebraux cardioemboliques)

  • les AVK diminuent d’environ 2/3 ce risque alors que l’aspirine ne le réduit que de 20%
  • les anticoagulants oraux d’action directe sont une alternative aux AVK (le dabigatran, le rivaroxaban et l’apixaban ont l’AMM dans cette indication) en l’absence de contre indication

 Short-Term Ri

 Les patients en flutter auriculaire ont les mêmes recommandations de traitement
anticoagulant que ceux en FA

 Définitions

 La fibrillation atriale (FA) :

  • est la plus fréquente des tachycardies supraventriculaires (la prévalence augmente avec l’âge pour atteindre 10% des patients après 80 ans)
  • est définie comme la contraction anarchique des oreillettes, qui entraîne une contraction rapide et irrégulière des ventricules
  • peut survenir en l’absence ou en présence d’une maladie cardiaque

 On distingue :

  • l’épisode unique de FA (30-50 ans, mécanisme adrénergique ou vagal, pronostic bénin)
  • la FA paroxystique récurrente se terminant spontanément en moins de 7 jours (généralement en 48h) avec souvent des récidives entrecoupées de retour au rythme sinusal
  • la FA persistante (>7j) récurrente avec réduction spontanée en plus de 7 j ou par cardioversion électrique externe (CEE) et/ou médicaments
  • la FA permanente (durée > 1 an, la cardioversion est inefficace ou non envisagée)

 Caractéristiques ECG de la FA

  • rythme irrégulier et tachycardie
  • désorganisation complète de l’activité électrique des oreillettes (trémulation de la ligne isoélectrique,absence d’onde P)
  • espaces RR complètement irréguliers
  • QRS habituellement fins avec une fréquence entre 120 et 150/mn


     Caractéristiques ECG du flutter atrial :

  • macroréentrée dans l’oreillette droite tournant autour des structures de l’oreillette
  • ondes F de fréquence habituellement de 300/min (aspect en toit d’usine sans retour à la ligne isoélectrique)
  • aspect de tachycardie régulière à QRS fins avec cadence ventriculaire vers 150/mn si conduction 2/1
  • à noter que la fréquence et la largeur des QRS dépendent de la qualité de conduction dans le noeud AV et le système His-Purkinje
    • la frequence des QRS peut même être régulière et lente avec des QRS fins ou larges, en cas de bloc AV de haut degré (degeneratif ou médicamenteux) avec respectivement un rythme d’échappement jonctionnel ou ventriculaire
    • les QRS d’origine atriale sont generalement fins mais peuvent être larges en cas de bloc de branche ou de conduction AV par une faisceau accessoire (WPW)
    • exceptionnellement une FA à complexes QRS larges et presque réguliers peut être confondue avec une TV

 Prise en charge au SAU

 Les formes aigues peuvent se manifester par des symptômes liés à la tachycardie (palpitations, malaise, douleur angineuse), une insuffisance cardiaque (dyspnée, OMI) ou une complication thromboembolique (AVC, embolie artérielle systémique)

  • une syncope est possible lors de l’initiation si la cadence ventriculaire est mal tolérée en raison d’une caduction naturelle rapide au niveau du noeud AV, d’une conduction anormale par un faisceau accessoire ou en raison d’une anomalie associée (RAo, cardiomyopathie hypertrophique ou maladie vasculaire cérébrale)
     Il est important de dater l’apparition des symptômes liés à la FA
     La FA est souvent asymptomatique et doit être évoquée devant une tachycardie ou une irrégularité du pouls
     Réalisation d’un ECG 18 dérivations en règle en salle de déchocage avec enregistrement d’un DII long afin de mieux identifier l’arythmie
     La prise des cstes (PA, FC, SaO2) est essentielle afin d’évaluer le retentissement
     Un état de choc associé à la FA doit avoir une cardioversion en urgence idéalement après élimination d’un thrombus par ETO

 Interrogatoire et examen clinique :


 Rechercher notamment

  • élément en faveur d’un trouble métabolique (dyskaliémie ou hypocalcémie), d’un sepsis, d’ue hypovolémie
  • une prise de toxiques (alcool, cocaïne, amphétamines, ..)
  • facteurs de risque cardiovasculaires (tabac, HTA, diabète, hérédité et dyslipidémie, surpoids)
  • atcdts cardiaques (valvulopathie ?)
  • douleur thoracique (angor, EP, myocardite, péricardite)
  • déficit neurologique transitoire ou persistant
  • signes d’insuffisance cardiaque, de dysthyroidie, de signe de maladie thromboembolique et/ou un point d’appel infectieux
  • des signes de gravité :
    • état de choc (marbrures, sueurs, hypotension avec une PAM< 65mm Hg, tachycardie avec FC > 100/min, polypnée avec FR>30/min)
    • déficit neurologique lié à un AIT ou AVC ou au bas débit cérébral associé à une obnubilation ou des troubles de la conscience

 Examens complémentaires :


 Bilan biologique standard, glycémie, hémostase, et selon orientation clinique TSH, peptide natriurétique, calcémie, digoxinémie
 Radio thorax En cas de signe d’appel (infection, insuffisance cardiaque)
 Echocardiographie cardiaque : recommandée dans tous les cas

  • en cas de FA mal tolérée (hémodynamique instable, OAP, douleur thoracique ou choc cardiogénique) ETT ou à défaut echo faite par urgentiste
  • en cas de FA bien tolérée, inaugurale ou récidivante écho faite par urgentiste pour aide à l’orientation si c’est possible, sinon ETT différée
     D’autres examens seront réalisés en fonction de la clinique (une FA peut être associée à d’autres pathologies urgentes : EP, SCA, péricardite, pneumopathie…)

 Traitement

 Dans tous les cas ne pas oublier

  • de corriger des facteurs favorisants (dyskaliémie, hypoxie, hypovolémie, HTA, anémie),
  • de traiter une cause associée (EP, infection, SCA, …)
  • d’optimiser le ttt de l’insuffisance cardiaque aigue

 Trois cas de figure :

  • FA < 48h
  • FA > 48 h
  • FA mal tolérée

 Trois axes de traitement :

  • traitement ralentisseur (β-bloquants, inhibiteurs calciques brdycardisant, digoxine, cordarone)
  • traitement antiarythmique (flécaine, sotalol, cordarone)
  • traitement anticoagulant (héparine, HBPM, AVK, AOD)

Contrôle de la FC
 L’administration IV de β-bloquants (aténolol ou esmolol) ou d’inhibiteurs calciques non DHP (verapamil ou diltiazem) est recommandée pour ralentir la réponse ventriculaire d’une FA en phase aigue
 L’administration IV de digoxine (après contrôle de la kaliémie) ou d’amiodarone (seconde intention du fait "risque" de cardioversion) est recommandée pour ralentir la réponse ventriculaire d’une FA en cas d’insuffisance cardiaque concomitante ou d’hypotension artérielle
 L’administration IV d’amiodarone est recommandée en traitement initial pour ralentir la réponse ventriculaire d’une FA si l’hémodynamique est instable et la fraction d’éjection du VG est basse (association à la digoxine envisageable)
Si les mesures pharmacologiques ne permettent pas une amélioration rapide des patients en FA avec une ischémie myocardiauqe persistante, une hypotension symptomatique, une angine de poitrine ou une défaillance cardiaque, il est recommandé d’effectuer une cardioversion électrique sans délai

Traitements ralentisseur d’une FA à cadence ventriculaire rapide :

 cardioversion d’une FA :

  • Si FA < 48h : cardioversion au SAU sans risque thromboembolique :
    • soit FA mal tolérée : CEE sans ETO (200 J biphasique)
      • ischémie myocardique aigue, hypotension symptomatique, angine de poitrine, défaillance cardiaque
      • sédation brève sous propofol 0,5 à 0,8 mg/kg en titration ou induction sequence rapide et intubation ventilation si indiquée
      • anticoagulation efficace par HBPM
      • contre indiquée en cas d’intoxication aux digitaliques ou à une hypokaliémie
    • soit FA bien tolérée : cardioversion médicamenteuse par cordarone (5 mg/kg IV sur 1h puis 50 mg/h en dose d’entretien jusqu’a la cardioversion, si cardiopathie sous jacente ou sujet âgé) ou par flécaine (en règle 2mg/kg IV sur 10 mn, si cœur sain, sujet jeune, nécessité contrôle ETT avant pour éliminer une cardiopathie)
      • la cardioversion medicamenteuse à un taux de succès inferieur à la cardioversion électrique mais ne necessite pas d’anesthésie)
      • la cordarone per os est moins efficace que par voie IV mais peut être utile qd la restauration rapide d’un rythme sinusal n’est pas nécessaire (exemple 600 mg en une prise pdt 4 semaines puis 400 mg en une prise 4 semaines, puis 200 mg/j
      • l’amiodarone est le seul antiarythmique qui peut être utilisé pour maintenir un rythme sinusal en cas de défaillance cardiaque sévère ou récente (< 4 semaines)
      • la cardioversion pharmacologique est plus efficace si elle est réalisée précocément par rapport au début du passage en FA
  • pour les patients en FA ≥ 48h ou lorsque la durée de la FA est inconnue il existe un risque thromboembolique :
    • le traitement anticoagulant est recommandé pendant ≥ 3 semaines avant, et pendant ≥ 4 semaines après la cardioversion
      • Une étude de pharmaco-épidémiologie réalisée par l’ANSM a évalué les risques associés à la double anticoagulation antivitamine K (AVK) - héparinothérapie par HBPM, lors de l’initiation d’un traitement par AVK en milieu ambulatoire. Ces résultats font l’objet d’une publication " Journal of the American Heart Association ". Les résultats de cette étude constituent un argument supplémentaire en défaveur d’une héparinothérapie par HBPM lors de l’initiation d’un traitement par AVK, le temps d’équilibrer le traitement par AVK (INR cible). Cette pratique, sauf pour des cas particuliers (patients à haut risque thrombotique requérant une anticoagulation efficace sans délai) devrait être évitée dans la mesure où dans ce contexte elle n’est pas indiquée et qu’elle augmente le risque hémorragique sans diminuer le risque thromboembolique artériel.
    • après les 4 semaines postcardioversion, l’anticoagulation au long cours sera décidée en fonction du CHADSVASC et ce même si le rythme est redevenu sinusal
  • la cardioversion électrique immédiate est recommandée pour les patients en FA mal tolérée avec une pré-excitation (syndrome de Wolff Parkinson White à définir) ou lorsqu’il y a un état de choc. Une ETO en urgence avant le CEE éliminera un thrombus et une dose thérapeutique d’HBPM ajustée au poids est recommandée.
    • en cas de thrombus à l’ETO, les AVK (INR 2-3) sont recommandés pendant au moins 3 semaines, puis une ETO de contrôle est indiquée pour vérifier la disparition du thrombus et autorisée la cardioversion

 Cas particuliers :

  • relais d’une anticoagulation efficace orale
    • l’interruption d’une anticoagulation orale efficace sans relais par héparine pour un maximum de 48h peut être envisagée lors d’une interventions chirurgicales ou diagnostiques pour les patients porteurs de FA sans prothèse mécaniques ni haut risque de complications thromboemboliques
    • dans les autres cas, un relais par des doses thérapeutique d’HBPM ou d’héparine non fractionnée est indiqué
  • suspicion d’AVC aigu ou d’AIT associé à une FA
    • la prise en charge d’une HTA non contrôlée avec une PA systolique > 220 mm Hg ou une PA diastolique > 110 mm Hg doit prévaloir sur une quelconque anticoagulation
    • seul l’AIT aigu associé à une FA doit faire envisager une anticoagulation efficace en l’absence d’infarctus cérébral et à fortiori d’hémorragie à l’imagerie
    • les anticoagulants oraux sont en principe contre indiques chez les patients ayant un atcdt d’hémorragie cérébrale mais l’existence d’une pathologie associée type FA doit faire évaluer au cas par cas le rapport benefices risques. Chez les patients ayant une FA et ayant eu une une hémorragie cerebrale sous anticoagulants (ou en l’absence d’anticoagulant) la fermeture percutanée de l’auricule gauche est une alternative interessante lorsque la reprise (ou l’introduction) des anticoagulants est formellement contre indiquée

 Prise en charge au delà de la phase aigue :

  • le score CHA2DS2-VASc est utile dans la FA chronique non valvulaire (RAA et prothèse valvulaire) en permettant d’évaluer le risque de survenue d’un AVC
Score CHA2DS2-VASc
Insuffisance cardiaque / dysfonction VG 1
Hypertension artérielle 1
Age supérieur ou égale à 75 ans 2
âge de 65 à 74 ans 1
Diabète 1
AVC/AIT ou embolie périphérique 2
pathologie vasculaire (Infarctus du myocarde, maladie vasculaire périphérique, athérome aortique) 1
sexe féminin 1

* chez les patients ayant un score de CHADS2 ≥ 2 un traitement anticoagulant par anticoagulant oral direct ou AVK avec un objectif d’INR entre 2 et 3 (cible 2.5) est recommandé en l’absence de contre-indications
** de fait, le traitement anti-thrombotique au long cours est recommandé pour tout patient ayant une FA à l’exception des patients à faible risque CHADSVASC=0 ou en cas de contre-indications
*** les patients en flutter auriculaire ont les mêmes recommandations de traitement anticoagulant que ceux en FA
 En cas de refus ou de contre indication aux AOD/AVK, l’association aspirine 75-100 mg et clopidogrel 75 mg par jour, peut-être envisagé pour la prévention des AVC chez les patients à faible risque hémorragique
 L’évaluation du risque hémorragique de la FA par le score HAS-BLED doit mettre en balance les bénéfices et les risques d’un traitement anticoagulant au long cours :

Score HAS-BLED
Hypertension 1
Anomalie de la fonction rénale 1
Anomalie de la fonction hépatique 1
AVC 1
Hémorragie 1
INR labile 1
à‚ge > 65 ans 1
Drogues 1
Alcool 1

un score HAS-BLED > ou =3 indique un "haut risque" nécessitant une certaine prudence et une surveillance régulière suite à l’initiation du traitement anti thrombotique (anticoagulant oral ou aspirine)

  • le contrôle de la fréquence ventriculaire à l’aide d’un traitement pharmacologique (β-bloquants, inhibiteurs calciques bradycardisants, digoxine ou une association de ces molécules) est recommandée dans les FA paroxystique, persistante ou permanente. Le choix du médicament doit être individualisé en fonction du terrain (cardiopathie, insuffisance rénale etc) et la dose adaptée en fonction de l’évolution de la FC
    • les β1-sélectifs sont recommandés en 1re intention en cas de dysfonction du VG
    • ne pas associer β-bloquant et inhibiteurs calciques bradycardisants
    • association β-bloquant et digoxine possible
    • la cordarone n’est pas donnée de facon chronique pour le controle de la FC sauf exception
    • les β-, les inhibiteurs calciques bradycardisants, la digoxine (et l’adenosine) sont CI en cas de syndrome de WPW

 Bibliographie

 HAS - Affection de longue durée & ALD N° 5 : Fibrillation Atriale. Février 2014
2012 Focused update of the ESC Guidelines for the management of atrial fibrillation
 P. Taboulet. Aspects électrocardiographiques de la fibrillation auriculaire. Ann. Fr. Med. Urgence 2012
 P. Taboulet et les membres de la commissions des référentiels de la SFMU. Prise en charge de la fibrillation en médecine d’urgence en partenariat avec la société francaise de cardiologie. Ann. Fr. Med. Urgence 2015
Y Bejot, D Calvet- La Revue du Praticien vol 66 avril 2015
 Short-Term Risk of Bleeding During Heparin Bridging at Initiation of Vitamin K Antagonist Therapy in More Than 90 000 Patients With Nonvalvular Atrial Fibrillation Managed in Outpatint Care. Bouillon K. Bertrand M. Boudali L. Ducimetière P. Dray-Spira R. Zureik M. DOI : 10.1161/JAHA.116.0004065

 Vos messages

    Vos commentaires

    Forum sur abonnement

    Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom