1. MESSAGES IMPORTANTS
Dermo-hypodermite Bactérienne (DHB) non nécrosante
– Premier diagnostic à évoquer devant une grosse jambe rouge aux urgences au vue de sa fréquence ++
– Seule cause de grosse jambe rouge aigue fébrile
– Diagnostic le plus souvent clinique
– Essentiellement dûe au streptocoque B hémolytique du groupe A
– Rechercher et traiter les facteurs favorisants afin d’éviter récidive
Fasciite nécrosante et DHB nécrosante
– Mesures de réanimation
– Pronostic fonction du délai de la prise en charge chirurgicale des tissus nécrosés
Les examens complémentaires ne doivent pas retarder la prise en charge thérapeutique
2. PHYSIOPATHOLOGIE
DHB non nécrosante (ancien érysipèle)
o Dermo-hypodermite bactérienne aigue non nécrosante, principalement due au Streptocoque pyogenes (= Streptocoque B hémolytique du groupe A), Streptocoque B/C/G possibles, Staphylocoque doré rarement
o 80% des cas : membres inférieurs
o Facteurs de risque :
- locaux : lymphœdème, insuffisance veineuse, intertrigo, ulcère de jambe, plaies cutanées
- généraux : obésité
o Associé à : adénopathie satellite sensible dans 50% cas voire une lymphangite dans 30% cas
DHB nécrosante, Fasciite nécrosante
o Nécrose des tissus profonds dépassant l’aponévrose superficielle avec possible atteinte fascias et muscles
o Germes en cause :
– Streptocoque pyogènes et non groupables, anaérobies : membres et localisations cervico-faciales
– Haemophilus influenzae : enfant avec atteinte cervico-faciale
– Si toxicomanie : Staphylocoque doré, Streptocoque pyogènes et non groupables, bactéries anaérobies
o Facteurs de risque mis en évidence : âge >50 ans, diabète, immunodépression, intoxication éthylique, toxicomanie, possible prise AINS
3. TRI IAO
– Niveau 2 avec installation au déchoc : signes de choc, nécrose cutanée
– Niveau 2 : AEG, fièvre, comorbidités
– Niveau 3 : autre cas
4. PRESENTATION CLINIQUE
DHB non nécrosante
– Placard inflammatoire érythémateux bien délimité, possible extension
– Apparition rapide en quelques heures à quelques jours
– Le plus souvent unilatérale
– Associée à un œdème, douleur et chaleur locale
– Souvent avec fièvre et signes infectieux
– Bourrelet périphérique si localisation face voire aspect aile de papillon
– Possibles décollements bulleux superficiels ou purpura en regard
– Porte d’entrée retrouvée dans 60% cas
DHB nécrosante, fasciite nécrosante
Idem + signes de sepsis sévère et nécrose cutanée
5. PRISE EN CHARGE DIAGNOSTIQUE
A. ETIOLOGIES
La DHB non nécrosante est de loin l’étiologie la plus fréquente devant une grosse jambe rouge aux urgences.
Dermo-hypodermite infectieuse
o non nécrosante : Erysipèle
o nécrosante : Fasciite nécrosante, Gangrène gazeuse
Dermo-hypodermite inflammatoire sur insuffisance veineuse
B. CONSTANTES
Pouls, Fréquence cardiaque, Tension Artérielle, Température, Saturation pulsée en O2, Glycémie
C. INTERROGATOIRE
Afin d’orienter vers une dermo-hypodermite ou un diagnostic différentiel
Mode de vie
o Profession
o voyages récents, randonnées, animaux de compagnie
o prises de toxiques
o conduites sexuelles à risque
o vaccinations
Antécédents personnels
o comorbidités pouvant impacter la prise en charge (obésité, diabète, immunodépression)
o épisode identique dans le passé
o antécédent sur le membre concerné (chirurgie, morsure, ulcère, plaie, piqure, insuffisance veineuse…)
o traumatisme
Histoire de la maladie
o date du début
o délai d’installation
o éventuelle porte d’entrée
o signes locaux et généraux
o prise médicamenteuse
D. EXAMEN PHYSIQUE
Patient déshabillé
Aspect cutané
o membre atteint,
o atteinte uni ou bilatérale
o aspect et limite de l’érythème
o présence ou non de phlyctène ou autre collection
o éventuelle porte d’entrée (intertrigo, plaie, morsure, griffure, ulcère)
Orientation diagnostique
o Lymphangite
o adénopathie
o arthrite,
o perte du ballottement du mollet, cordon induré, signe de Homans
Signes de gravité
o Généraux : fièvre élevée, hypotension, pâleur, oligurie, tachypnée, tachycardie, désorientation, confusion
o Locaux : douleurs intenses résistantes aux antalgiques, bulles hémorragiques, œdème majeur, hypoesthésie, crépitation, lividité pré-nécrotique, nécrose cutanée
E. EXAMENS COMPLEMENTAIRES
– Si tableau typique d’érysipèle sans complication, pas besoin de réaliser des examens complémentaires.
– Si signe de gravité généraux ou locaux :
o Hémocultures si fièvre (positivité <10% cas)
o NFS, CRP
o CPK
o Gaz du sang artériel (pH, lactates)
o Ionogramme sanguin
o Urée, créatinine (Insuffisance rénale précoce si fasciite nécrosante)
o TP TCA
o Prélèvements bactériologiques locaux les plus profonds et « stériles » possibles (notamment au niveau de la porte d’entrée)
o Si doute sur TVP : Echographie Doppler (DDmères non discriminants)
o Si DHB nécrosante : IRM (évaluation profondeur des lésions) sans retarder la prise en charge thérapeutique
6. DIAGNOSTICS DIFFERENTIELS
– Thrombose veineuse profonde
– Eczéma
– Zona
– Lymphangite
– Infection ostéo-articulaire (pied diabétique, matériel d’ostéosynthèse)
– Morsure (Pasteurellose, Rouget de porc)
– Photodermatoses
– Rupture de kyste poplité
– Syndrome des loges
– Hématome
– Lymphoèdeme chronique
– Pied de Charcot
– Dermite inflammatoire
– Arthrite
– Algodystrophie
7. PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE
A. MESURES COMMUNES
– Antalgiques :
o Privilégier le paracétamol comme antipyrétiques/antalgiques
o Anti-inflammatoires per os ou local contre indiqués
o Si pathologie chronique traitée par CTC ou AINS, poursuivre le traitement si indispensable + indication d’hospitalisation
– Repos avec membre surélevé (diminution œdème et douleur)
– Contention précoce
– Traitement anticoagulant préventif si facteurs de risque de maladie thrombo-embolique
– Correction des facteurs favorisants
B. DHB non nécrosante
– Antibiothérapie anti S. pyogenes, durée 7 jours :
o Amoxicilline 50mg/kg/j per os réparti en 3 prises quotidiennes (maximum 6g/jour)
o Si bulles/phlyctènes : ajout Clindamycine possible
o Si allergie à la pénicilline : Pristinamycine 1g 3 fois par jour ou Clindamycine 1,8g/j 3 fois par jour (maximum 2,4g/jour si poids >100 kg)
o Si hospitalisation et fébrile, traitement IV puis relai per os quand apyrexie : Amoxicilline (50 à 100mg/kg/24h IV en 3 administrations quotidiennes) ou Pénicilline G (12 à 24 millions UI/24h IV en 3 administrations quotidiennes)
– Chez l’enfant :
o Amoxicilline-Acide clavulanique : 80mg/kg/j d’amoxicilline en 3 prises (maximum 3g/j)
o Si allergie à la pénicilline et > 6 ans : Clindamycine 40mg/kg/j en 3 prises
o Si allergie à la pénicilline et < 6 ans, en suspension buvable : Sulfaméthoxazole-triméthoprime 30mg/kg/j en 3 prises
C. DHB nécrosante, Fasciite nécrosante
– Urgence médico-chirurgicale
– Avis spécialisé
– Traitement symptomatique de l’état septique
– Excision chirurgicale large et totale des tissus nécrosés (parfois quotidienne)
– Pansements biquotidiens
– Antibiothérapie probabiliste :
o membres ou localisations cervicofaciales : B lactamines + inhibiteur Blactamase (amoxicilline – acide clavulanique 2g/8H IV + clindamycine 600mg/8H IV)
o abdomen et périnée : B lactamine à spectre large de type uréidopénicilline (piperacilline/tazobactam 4g/500mg /8H IV +/- aminoside)
o si toxicomanie : Pénicilline M ou Glycopeptide + Gentamycine
– > Adaptation à l’antibiogramme avec maintien systématique d’un anti-anaérobies
– Oxygénothérapie hyperbare et Ig polyvalentes : utilisation controversée
8. ORIENTATION/DEVENIR
A. RETOUR A DOMICILE (50% des cas) si DHB non nécrosante typique, sans signe de gravité ni comorbidité
B. HOSPITALISATION DERMATOLOGIE OU INFECTIOLOGIE OU MEDECINE INTERNE
– Si traitement IV
– Si nécessité d’une surveillance rapprochée (doute diagnostique, signes généraux marqués, risques de complication locale, comorbidités, contexte social difficile, échec traitement ambulatoire antérieur, mauvaise évolution après 72h de traitement)
C. HOSPITALISATION REANIMATION
– Si signe de choc
– Si nécrose cutanée
9. SURVEILLANCE
– Paramètres vitaux
– Évolution de l’état cutané (délimiter les lésions à l’admission et surveiller l’extension + si apparition autres lésions cutanées)
– Recherche apparition de signes généraux
A. Évolution favorable de la DHB non nécrosante
• En 8 à 10 jours sous antibiothérapie dans 80% des cas.
• Apyrexie obtenue le plus souvent vers J3
• Amélioration des signes locaux le plus souvent vers J7.
B. Évolution défavorable de la DHB non nécrosante
• Complications locales (lésions profondes +/- nécrosantes ; 5 à 10% des cas) ou systémiques (<5% des cas)
• Reconsidérer l’antibiothérapie
• Éventuellement prise en charge chirurgicale
• Mortalité liée aux pathologies associées de l’ordre de 0,5%
C. Récidive de la DHB non nécrosante
• 20% des cas et souvent multiples pour un même malade.
• Favorisée par persistance ou récidive des facteurs ayant favorisés le premier épisode
• Prévention de la récidive indispensable dès le premier épisode (= corriger facteur favorisant)
• Si multiples épisodes (dès 2 épisodes dans l’année) ou facteurs favorisants non corrigeables alors antibiothérapie préventive prolongée (1 an) voire définitive par :
o Penicilline V 1 à 2 UI selon le poids en 2 prises quotidiennes per os
o ou Benzathine-Penicilline 2,4 UI par voie IM toutes les 2-4 semaines
o si allergie ou contre-indication aux injections IM : Azithromycine 250mg/j
D. Evolution DHB nécrosante, Fasciite nécrosante
• Pronostic déterminé par précocité de la chirurgie
• Séquelles trophiques post-chirurgicales très fréquentes = Chirurgie réparatrice dans un 2d temps fréquente
• Mortalité dans 30% des cas
10. BIBLIOGRAPHIE
– Conférence de consensus. Erysipèle et fasciite nécrosante : prise en charge. Méd Mal Infect 2000 ; 30 : 241-5
– H.Guillot, O.Fain, Grosse jambe rouge aigue, La Revue du Praticien, Volume 66, 2016
– POPI, Erysipèle / Dermohypodermites bactériennes, maj juillet 2018
– POPI, Fasciite nécrosante, maj juillet 2018
– SPILF, Info-antibio n°85 Avril 2019
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Modibo DAFFE , Le 7 janvier à 11:03
BONJOUR,
EXCELLENTE PRÉSENTATION ET SIMPLE A COMPRENDRE.
UNE TRÈS BONNE RÉVISION
MERCI