Syndrome de sevrage éthylique aux urgences

 jeudi 17 septembre 2009  |  Septembre 2009  |  0 Commentaires
  SAU Cochin - Hôtel Dieu

 1) Messages importants :

 Manifestations symptomatiques survenant dans les suites immédiates ou différées (jusqu’au dixième jour) de l’arrêt de la consommation d’alcool.

 Ces manifestations traduisent un état de manque psychique, comportemental et physique et associent dans un contexte souvent évocateur :

  • Troubles subjectifs : anxiété, agitation, irritabilité, insomnie, cauchemars
  • Troubles neurovégétatifs : sueurs, tremblements, tachycardie, HTA, Hyperthermie
  • Troubles digestifs : anorexie, nausées, vomissements
  • Troubles sensoriels : photophobie, hyperacousie, paresthésies, pouvant aller jusqu’aux hallucinations critiquées

 Ces signes peuvent être absents au moment du premier examen clinique. Le dépistage (et la prévention) de la dépendance physique est donc souvent un diagnostic d’interrogatoire.

 Le syndrome de sevrage éthylique est résolutif spontanément ou sous traitement en 2 à 5 jours et la persistance des troubles (ou leur apparition retardée) doit faire rechercher des addictions associées (BZD +++).

 En l’absence de prise en charge efficace peuvent apparaitre dans les heures qui suivent :

  • Une crise comitiale : Chercher systématiquement une autre cause (traumatique ++)
  • Un delirium tremens qui associe : confusion, hallucinations non critiquées et menaçantes, agitation, tremblements (extrémités puis corps entier) et troubles centraux avec de la fièvre, une HTA et des troubles du métabolisme de l’eau. L’évolution spontanée d’un DT est péjorative (50% de mortalité) et son diagnostic impose donc un transfert immédiat en réanimation
  • Une déplétion en thiamine (Vitamine B1) est favorisée chez le patient déjà carencé par le sérum glucosé. La manifestation " aigue " ou Gayet-Wernicke est marquée par l’apparition de la (triade le plus souvent incomplète = confusion, troubles occulomoteurs (nystagmus ou ophtalmoplégie), troubles de la déglutition et ataxie). Le syndrome de Korsakoff, complication possible du Gayet Wernicke (parfois passé inapercue), est caractérisé par des symptômes d’amnésie sévère à la fois antérograde et rétrograde (à l’exception d’éléments du passé lointain) et l’impossibilité d’acquisition de nouvelles informations en mémoire à long terme associés à des fabulations et des fausses reconnaissances. Le raisonnement est altéré, le patient rarement conscience de son état. L’amélioration partielle des symptômes sous thiamine peut prendre beaucoup de temps.

 Les benzodiazépines sont la base du traitement. On privilégie habituellement les molécules à demi-vie longue (ex : VALIUM 10 mg par prise). On peut préférer des molécules à demi-vie courte en cas d’insuffisance hépato-cellulaire (ex : SERESTA 50 mg par prise)

 Le score de Cushman permet de grader la sévérité du sevrage et d’en apprécier l’évolutivité

 2) Appel téléphonique ou courrier électronique

 Réponse par le senior

 Si signes de gravité, conseiller l’appel du 15 pour transport médicalisé.

 3) Tri IAO

 Dépend des paramètres vitaux, du contexte et de l’état clinique (tri 1 ou 2)

 Si l’on tient compte su score de Cushman

  • score > 14 : Tri 1, salle de DECHOCAGE
  • score < 14 : Tri 2 ou 3, BOX D’EXAMEN

 4) Prise en charge en Box

 Prise en charge médicale :

  • Recherche des signes cliniques de sevrage
  • Score de Cushman (< 7 ; > 14 ; intermédiaire)
  • Recherche d’une intoxication associée
  • Recherche de signes de gravité biologique avec dosage iono, TP et TCA, dosage BHC, alcoolémie.

 5) USR (avant passage en réanimation)

 Score de Cushman > 14

  • VALIUM 10 mg IV dans 50ml de NaCl 0,9, répéter toutes les heures tant que le score de Cushman reste > 14
     -* Réhydratation avec NaCl 2l/24h (pas de Glucosé si Dextro RAS)
     -* VITAMINE B1 en IV 500mg dans 50ml de NaCl 0,9% sur une heure
     -* passage en réanimation

 6) Unité d’Observation

 Score de cushman entre 7 et 14

  • Pose d’une voie veineuse en cas de dénutrition, de troubles neurologiques (somnolence, confusion, signes de neuropathie carentielle…), de vomissements ou de comorbidité (cirrhose) ; VITAMINE B1 (1000 mg/24h) et VITAMINE B6 (500 mg/24h) dans la perfusion
  • Pas de Perfusion dans les autres cas
  • Apports hydro-électrolytiques adaptés à la situation clinique (signes de déshydratation, sueurs abondantes, co-morbidité hépatique ou cardiaque..), pas d’indication à une " hyperhydratation "
  • VALIUM 10 mg PO toutes les 4 heures, sauf si endormissement
  • VITAMINE B1 : 2cp x 3 par jour pendant 14 jours
  • En cas d’hallucinations permanentes et/ou agitation, agressivité persistantes, HALDOL 2‰, 10 gouttes 3fois/j.

 Réévaluation score de Cushman toutes les 4 à 6 heures

 à la 6e heure :

  • si score <7 : VALIUM 10 mg/4 à 6h pendant 24h avant décroissance progressive : VALIUM 10 mg/8h pendant 2 jours puis VALIUM 10 mg/12h pendant 2 jours puis VALIUM 10 mg/24h pendant 1 jour puis arrêt
  • si score >7 Augmenter les doses de VALIUM à 10 mg toutes les 2 heures voire toutes les heures

 Score de Cushman entre < 7

  • VALIUM 10 mg/4 à 6h pendant 24h avant décroissance progressive : VALIUM 10 mg/8h pendant 2 jours puis VALIUM 10 mg/12h pendant 2 jours puis VALIUM 10 mg/24h pendant 1 jour puis arrêt
  • VITAMINES B1B6 : 2 cp x 3/j pendant 14 jours

 7) Qui hospitaliser ?

 Score de Cushman d’emblée>14 : service de réanimation
 Score > 7 après la 6e heure : 4 à 8 lits dédiés aux sevrages programmés en Hépatologie (Achard 8e), possibilité de prendre des sevrages non programmés en fonction de la disponibilité des lits.

 Score < 7 après la 6e heure : sortie envisageable en l’absence de pathologie psychiatrique ou somatique décompensée. Rendez-vous avec le médecin traitant dans les 48h.

 8) Bibliographie

 Société francaise d’alcoologie. Objectifs, indications et modalités du sevrage du patient alcoolo-dépendant : Conférence de consensus (texte court). 1999, Agence nationale d’accréditation et d’évaluation de la santé : Paris.
 Mennecier D, Arvers P, Corberand D et al,. Factors predictive of complicated or severe alcohol withdrawal in alcohol dependant patients. Gastroenterologie clinique et Biologique, 2008. 32 : p. 792-97.
 Rueff B. Alcoologie clinique. 1988, Flammarion Médecine-Sciences : Paris.
 Da Cunha MJ. Prévention des complications du syndrome de sevrage chez les malades hospitalisés in Faculté de médecine de Bobigny. 1997, Université Paris-Nord.
 Cushman Jr P, Lerner W, Stewart M. Alcohol withdrawal syndromes : clinical management with lofexidine. Alcohol Clin Exp Res, 1985, 9 : p 103-8.
 Kosten TR, O’Connor PG. Management of drug and alcohol withdrawal. N Engl J Med. 2003 May 1 ;348(18):1786-95. Review.

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