1) Messages importants
* Éliminer un état de mal épileptique, de définition variable selon le type de crise :
o Crises focales :
– 2 crises répétées en 30 minutes sans retour à un état neurologique normal entre les 2 épisodes
OU
– une crise prolongée > 30 minutes.
o Crises tonico-cloniques généralisées :
– 2 crises se répétant à court terme avec persistance pendant la phase intercritique d’une altération de la conscience
OU
– une crise de durée > à 5 minutes.
* Noter l’heure de début de la crise
* Penser aux crises post-TC et post-AVC (entre autres diagnostics étiologiques de gravité)
* Ne pas oublier les conséquences traumatiques de la crise : TC, fractures…
2) Physiopathologie
Distinguer :
– Crise convulsive = survenue transitoire de signes et/ou symptômes dus à une activité neuronale cérébrale excessive ou anormalement synchrone.
– Épilepsie = maladie cérébrale chronique caractérisée par une prédisposition durable à générer des crises et par les conséquences cognitives, comportementales, psychologiques et sociales de cette condition.
– Crise symptomatique aigue (ou provoquée, situationnelle) = crise en relation temporelle étroite avec une atteinte du SNC due à une pathologie métabolique, toxique, structurale, infectieuse ou inflammatoire (délai variable selon la cause).
Pronostic :
– Une 1re crise d’épilepsie sur un désordre cérébral aigu a peu de risque de récurrence (3-10%) vs 1re crise non provoquée = risque de récurrence de 42% dans les 2 premières années dont 60-70% dans les 6 premiers mois (puis diminution exponentielle du risque).
– Risque de récurrence variable selon des facteurs notamment de prédisposition.
– Récurrence 70-80% après une 2e crise non provoquée = maladie épilepsie.
3) Tri IAO
* FC, PA, FR, température, DEXTRO+++
* Interroger les proches et les transporteurs pour informations des témoins de la crise (prendre les coordonnées ++), rechercher la notion d’une épilepsie connue, rechercher le traitement pris, heure de début de la crise.
– Déchoc (Tri 1 ou 2) -> convulsions persistantes, plusieurs crises répétées, déficit neurologique post-critique, troubles de la vigilance, fièvre, contexte de TC, VIH, traitement anticoagulant, grossesse, autre critère habituel de tri 1.
– Tri 2 ou 3 -> toutes les autres situations.
4) Présentation clinique
* Interrogatoire
– Antécédents personnels/familiaux notamment d’épilepsie, traitements pris
– Description précise de la crise
– Facteurs de risque d’épilepsie : dette de sommeil, contexte au réveil, intoxication et sevrage OH/BZD (notamment chez les personnes âgées), toxiques, stimulations lumineuses répétitives, jeux sur écrans, prise de traitement abaissant le seuil épileptogène (Tramadol, ATD tricyclique,…)
– Crise symptomatique d’un sevrage OH : survenue dans les 7 à 48h après la dernière prise d’OH, crise généralisée tonico-clonique, association à tachycardie/sueurs/tremblements
– Évoquer pré-eclampsie si 1re crise avec grossesse ? 20 SA ou dans les 6 1res semaines du post partum.
* Rechercher particulièrement à l’examen clinique :
– Score de Glasgow,
– Déficit moteur et autre signe de localisation,
– Morsure latérale de langue,
– Confusion prolongée,
– Posture inhabituelle avec hypertonie,
– Signes de fracture/luxation (luxation postérieure de l’épaule ++).
5) Prise en charge diagnostique & étiologique
* Mise en condition :
o Liberté des VAS
o Barrières de protection, retirer les dentiers, canule de Guedel à disposition.
o VVP (cathlon vert) avec sérum physiologique
– Sauf si hypoglycémie ? 1 à 2 ampoule(s) de G30 IVD puis perfusion de G10, et contrôle du dextro
– + 100-500 mg de vitamine B1 si OH chronique, dénutrition, grossesse
o Scope si prise en charge en USR/déchoc.
* Bilan biologique :
o Ionogramme sanguin, urée, créatinine, calcémie, magnésémie, albuminémie
NB : valeurs seuil d’imputabilité pour crise épileptique : glycémie < 2 mmol/L ou > 25 mmol/L +/- cétose, Na < 115 mmol/L, Ca < 1.2 mmol/L, Mg < 0.3 mmol/L, urée sanguine > 35.7 mmol/L, créatininémie > 884 µmol/L
o Toujours : NFS, CRP (recherche de foyer infectieux), béta-HCG, ECG (recherche TDR, TDC, allongement du QT).
o Selon contexte :
– CPK si doute avec une syncope convulsivante et au moins 4h après l’épisode
– HbCO (appareil à risque d’émission sur le lieu de travail ou au domicile)
– Dosage des anti-épileptiques (recherche un sous-dosage, notamment si grossesse ou doute sur mauvaise observance)
– Alcoolémie (chez le patient OH chronique, si la crise est survenue en dehors des critères de sevrage afin de ne pas poser par excès le diagnostic de crise symptomatique aigue sur un sevrage en OH)
– Hémocultures si fièvre
– Frottis sanguin goutte épaisse si retour d’un pays d’endémie palustre
– Gaz du sang artériels
– Si suspicion de pré-éclampsie : ASAT, ALAT, BU pour protéinurie, TP/TCA/fibrinogène
* TDM cérébrale indiquée si :
o 1re crise convulsive, notamment si crise partielle ou focalisée
o Crise de début focal rapporté par les témoins avant généralisation
o Confusion ou céphalées persistantes
o Signe de localisation post-critique (après une 1re crise ou si nouveau déficit chez un épileptique ancien).
o Troubles de conscience persistants > 30 minutes
o Âge > 40 ans
o Terrain : cancer solide, maladie hématologique, VIH (soupçonné ou connu), immunodépression, OH chronique, antécédent de néoplasie
o Fièvre, syndrome méningé (suspicion de méningo-encéphalite)
o TC si OH chronique et/ou confusion persistante
o Traitement anticoagulant ou trouble de l’hémostase connu
o État de mal épileptique (EME)
o Modification de l’examen clinique neurologique au cours de la prise en charge
o Suivi neurologique ultérieur incertain
o Patient OH avec TC, trouble de conscience prolongé, répétition des crises, fièvre, signe de localisation
* PL indiquée si
o Fièvre > 38°C
o Suspicion de méningo-encéphalite (HSV, listeria, BK) ou méningite infectieuse -> traitement probabiliste urgent et PL après TDM
o Suspicion d’hémorragie méningée et TDMc normale
o VIH et TDM ne montrant pas d’abcès (méningo-encéphalite HSV, listeria, VIH, cryptococcose, BK)
o Répéter PL pour EME si suspicion d’encéphalite (le LCR peut être normal à la phase précoce), pléiocytose isolée modérée <25 éléments/mm3 sur 1re PL, recherche diagnostic rare (maladie auto-immune, cancer,…)
* EEG
o Urgent si coma post-EMETCG avéré ou EME larvé (coma post-EMETCG avec manifestations motrices discrètes)
o si persistance de confusion/tb de conscience inexpliqué : recherche d’un EME infra-clinique, encéphalopathie (ondes triphasiques)
o Doute diagnostique (notamment avec une manifestation psychogène, un EME larvé ou réfractaire)
6) Prise en charge thérapeutique
* Si crise convulsive aux urgences :
o Heure de début
o Mise en PLS !!!
o O2 masque 8L/min
o Traitement anti-épileptique :
– Si une seule crise et pas de pathologie aigue causale identifiée : BZD PO Clobazam Urbanyl®
– Si au moins 2 crises ou pathologie aigue causale identifiée : BZD IV Clonazepam Rivotril® 1mg IVL en 3 minutes, renouvelable une fois si inefficace à 5 minutes (demie dose si trouble respiratoire)
OU
– Midazolam 0.15mg/kg (soit 10mg pour 70kg de poids) en IM si pas de VVP, non renouvelable.
* État de mal épileptique :
– 1re ligne :
o Fosphénytoïne 20 mg/kg (contre-indiquée si TDR/TDC, attention si antécédents cardiaques) sur 20 minutes, sous contrôle ECG et PA ; arrêt si hypoTA/élargissement QRS/arythmie
OU
o Phénobarbital 15 mg/kg (plus sédatif, contre-indiqué si insuffisance respiratoire)
– 2e ligne si EME persistant 20-30min après début de la perfusion : recours à l’anti-épilpetique d’action prolongée non utilisé : donc phénobarbital si fosphénytoine et vice versa -> APPEL RÉA !
– 3e ligne si état de mal tonicoclonique généralisé réfractaire (= persistance convulsions pendant 30 minutes après le début de l’administration du traitement de 2e ligne) -> coma thérapeutique avec IOT en séquence rapide et agent anesthésique IV (midazolam ou propofol surtout).
* Si éclampsie : sulfate de magnésium 4g en 20 minutes, appel réa.
* Chez l’enfant en 1re intention d’une crise d’épilepsie : Rivotril® 0,02-0,05 mg/kg en 3 min IV ou 0,1 mg/kg IR
* Appel réa si :
– score de Glasgow <8,
– état de mal épileptique (= persistance crise > 5 minutes le plus souvent),
– rivotril inefficace,
– défaillance d’organe,
– éclampsie.
* Indications d’IOT en séquence rapide : détresse respiratoire (plus de quelques minutes de respiration stertoreuse post-critique), EME réfractaire, TC grave, HSA, HTIC sévère, AVC, bas débit cérébral aigu. (Pas si coma mais interruption crise et respiration OK.)
* Lutte contre les ACSOS : cibles à respecter
o SpO2 95-99%, PaO2 80-95 mmHg
o PaCO2 35-45 mmHg si HTIC avec intubation
o PAM 70-90 mmHg, supérieur à 90 si HTIC
o Scope pour surveiller TDR et TDC
o Glycémie 1.4-1.8 g/L
o Na 135-145 mmol/L
o Ca 2,2-2,6 mmol/L
o pH 7,35-7,45
o Normothermie 36,5-38°C
7) Surveillance
• Conditions d’admission en USR :
– confusion mentale persistante,
– signe de localisation post-critique,
– défaillance cardio-respiratoire,
– fièvre > 38°C,
– traitement anticoagulant en cours,
– cancer solide/hémopathie/VIH,
– intoxication médicaments/CO,
– TC,
– répétition de crises au SAU,
– trouble métabolique,
– sevrage OH,
– OH chronique
• Si grossesse (éclampsie) -> réa et appel obstétrique avec maternité selon terme
• Surveillance horaire en USR :
o Par IDE : score de Glasgow, FC, PA, FR, SpO2
o Par interne/senior : glasgow, symétrie et réactivité pupillaire, signe neurologique de localisation, fièvre persistante.
• Reposer régulièrement l’indication d’une imagerie si non faite en 1re intention
o Si apparition secondaire de critères de gravité comme déficit focal ++
o Ou céphalées sévères tenaces, modification des symptômes de la crise chez un épileptique connu, …
o IRM en urgence si suspicion de thrombose veineuse cérébrale (ou angioTDM à temps veineux).
• Après une crise aux urgences si la cause n’est pas immédiatement réversible : traitement anti-épileptique de relais et/ou Clobazam Urbanyl® ou Clonazepam Rivotril®
8) Orientation/Devenir = Sortie du SAU
* En réanimation : crise en USR résistant aux BZD, défaillance d’organe, scope pour (fos)phénytoïne), CTCG en série malgré BZD et antiépileptiques de 2e ligne, EMETCG, tb de la vigilance, suspicion d’encéphalite, éclampsie, …
* En neurochirurgie : tumeur, abcès cérébral ou hématome nécessitant un geste chirurgical, ou TC selon protocole
* En grande garde après télétransmission des images.
* En neurologie : épilepsie sur AVC, crise récidivante sans état de mal.
* Autres services de spécialité : épilepsie en rapport avec une maladie relevant de la spécialité (onco, hémato, VIH).
* Retour à domicile
o Conditions :
? Crise simple non compliquée
? Pas de récidive de la crise en USR à H6
? Pas de signe neuro ni infectieux ni traumatique ni VIH ni cancer ni anticoagulant ni cirrhose OH
? Patient < 60 ans, avec entourage ++
? Si épileptique connu avec facteur déclenchant de crise évident (sevrage médicamenteux, surmenage…)
? Adhésion au suivi médical ultérieur
o Informer le patient du risque de récidive
o Protocole si 1re crise : prise en charge ultérieure en HDJ épilepsie à St-Anne le mercredi, leur faxer le CRH au 01.45.65.87.94 avec les coordonnées du patient qu’ils contacteront pour organiser le RDV, idéalement dans les 15 jours (demander au patient de téléphoner dans les 48h en HDJ au 01.45.65.86.78 aux heures ouvrables afin de vérifier que la demande a bien été reçue).
? IRM cérébrale systématique dans le mois qui suit la 1re crise (sauf si diagnostic certain d’épilepsie généralisée idiopathique)
? EEG dans les 4 semaines aussi (idéalement dans les 24-48h suivant la crise…)
o Ordonnance de sortie : URBANYL® 10mg 3cp/j pendant 5 jours, puis 2cp/j pendant 5 jours, puis 1cp/j pendant 5 jours puis stop (prévenir le patient des effets secondaires les 1ers jours) en attendant la consultation.
? Si risque jugé important de récidive devant une crise isolée chez un épileptique connu traité avec une bonne observance en attendant l’avis du spécialiste : RIVOTRIL® PO 60mg J1 puis 40mg J2 puis 20mg pendant 10 jours + continuer traitement de fond.
o Donner au patient
? Le CRH pour son médecin traitant et/ou son neurologue
? Un document écrit avec les recommandations à suivre jusqu’à la consultation neurologique : arrêter le travail, se reposer, beaucoup dormir (temps de sommeil suffisant), pas de médicament potentiellement convulsivant (tramadol, ATD tricyclique, isoniazide,…), pas d’activité dangereuse (plongée, escalade, natation), éviter OH, ne pas prendre irrégulièrement des médicaments ayant des propriétés anti-convulsivantes comme les BZD, préférer les douches aux bains, information sur les dangers potentiels de la conduite automobile.
o Avantages de la BZD Clobazam Urbanyl® : absorption rapide, interactions minimes, profil de sécurité satisfaisant.
o Pas de traitement systématique après une 1re crise d’épilepsie : décision en consultation spécialisée, avec balance bénéfice/risque prenant en compte le traitement et ses effets secondaires.
o Un traitement précoce diminue le risque de récidive dans les 2 ans mais pas la qualité de vie sur le long terme (à plus de 3 ans).
9) Bibliographie
– Pohlmann-Eden B, Beghi E, Camfield C, Camfield P. The first seizure and its management in adults and children. BMJ February 2006.
– RBP Prise en charge d’une première crise d’épilepsie de l’adulte. Société française de neurologie, 2009.
– Mahmoud SH, Rans C. Systematic review of clobazam use in patients with status epilepticus. Epilepsia Open June 2018.
– Imagerie de la première crise convulsive de l’adule. Société française de neuroradiologie, JFR 2014.
– Krumholz A, Wiebe S, Gronseth GS, Gloss DS. Evidence-based guideline : Management of an unprovoked first seizure in adults. American Academy of Neurology 2015.
– Fisch L, Lascano AM, Vernaz Hegi N, Girardin F. Early specialized care after a first unprovoked epileptic seizure. J Neurol 2016 Dec.
– Reassessment : Neuroimaging in the emergency patient presenting with seizure. American Academy of Neurology Summary of Evidence-Based Guideline for clinicians. 2007.
– Practice Guideline Update : Efficay and Tolerability of the New Antiepileptic Drugs I : Treatment of New-onset Epilepsy, American Academy of Neurology Summary of Evidence-Based Guideline for clinicians. 2018.
– Commission de la Transparence de la HAS pour le clobazam, 07/09/2016.
– Recommandations de la SFMU : Trinh-Duc A, Fougeras O, Philippe JM, Charpentier S. Les crises convulsives de l’adulte au service d’Accueil et d’Urgence, Genève, avril 1991, actualisé en 2001. Deuxième actualisation en 2006.
– Recommandations Formalisées d’Experts. Prise en charge des états de mal épileptiques en préhospitalier, en structure d’urgence et en réanimation dans les 48 premières heures. SRLP – SFMU en collaboration avec le GFRUP. 2018.
– Arya R, Giridharan N, Anand V, Garg SK. Clobazam monotherapy for focal or generalized seizures. Cochrane Database Sys Rev. 2018 Jul.
Nous informons nos visiteurs que Urgences-Serveur.fr n'est pas un service médical, ni une téléconsultation.
Aucun conseil ni avis médical ne sera donné via ce forum.
Consultez votre médecin si vous pensez être malade.
Composez le 15 en cas d'urgence médicale.
Vos commentaires
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
Suivre les commentaires : |