Hypocalcémie aux urgences

Dr Albane Dandolo, Dr Jean-Christophe Allo (SAU Cochin)

 jeudi 13 janvier 2011  |  Février 2015  |  0 Commentaires
  SAU Cochin - Hôtel Dieu

 1) Messages importants :

 Penser à l’hypocalcémie aigüe en présence de signes d’hyperexcitabilité neuromusculaire et de signes ECG :

  • paresthésie, tétanie
  • signe de Trousseau (main d’accoucheur avec spasme du carpe lors du gonflage du tensiomètre au dessus de la pression systolique pendant 3’’)
  • signe de Chovstek (contraction du muscle orbiculaire ipsilatéral lors de la percussion, bouche légèrement ouverte, du nerf facial au niveau temporal)
  • crise convulsive généralisée ou focale,
  • trouble psychiatrique
  • ECG : recherche d’allongement du QT (normal< 44ms), bloc atrio-ventriculaire avec bradycardie, tachycardie ventriculaire

 Hypocalcémie = Calcémie (Ca) < 2,25mmol/L ou <80mg/L,

  • calcul de la calcémie indexée sur la protidémie :
  • Cac= Ca mesurée/(0.55+P/160), Ca en mmol/L, P en g/L http://www.sfmu.org/calculateurs/CACP.htm
  • calcémie corrigée en cas de dosage de l’albumine : Cac (mg/L)= Ca+ (40 - albumine)
  • calcium ionisé (Cai) <1,1mmol/L (Cai=50% du calcium, indépendant des protides)

 Traitement symptomatique personnalisé, risque d’hypercalcémie et de lithiase rénale
(calcémie à monitorer régulièrement)

 2) Physiologie

 Métabolisme du calcium (tiré de Meyer, Physiologie humaine)

  • Sources : apport alimentaire et résorption du tissu osseux rapidement échangeable
  • Mécanisme : absorption digestive et mobilisation du calcium osseux stimulée par le calcitriol et la PTH principalement
  • Hormones actives :
    • calcitriol ou vitamine D3 synthétisée par le parenchyme rénal sous l’action de la PTH (parathormone) à partir du calcidiol ou vitamine D2 elle-même hydroxylée par le parenchyme hépatique à partir de la vitamine D synthétisée par la peau sous effet des UV. La vitamine D3 est l’hormone active qui favorise l’absorption alimentaire et la résorption osseuse du calcium
    • parathormone ou PTH, synthétisée par les parathyroïdes, favorise la synthèse de vitamine D3 au niveau rénal, et l’action du calcitriol au niveau digestif, stimule la résorption osseuse. Sécrétion stimulée par l’hypocalcémie et inhibée par l’hypercalcémie
    • calcitonine sécrétée par les cellules C de la thyroide, procalcémiante par résorption osseuse, hypophosphatémiante par augmentation de la phosphaturie. Stimulée par l’hypercalcémie
    • autres : GH, T3, oestrogènes, glucocorticoides d’action secondaire.

 3) Tri IAO

 Dépend du motif de consultation, de l’intensité et de l’ancienneté des symptômes.
Tri 2 ou 3

 4) Sémiologie

 Elle dépendant de l’importance du déficit, du taux de calcium ionisé (Cai) et de la rapidité d’installation.

 Forme paroxystique :

  • signes neuromusculaires :
    • tétanie (Cai<1,1mmol/L, Ca <1,8-1,9mmol/L) avec paresthésie, fasciculation bucco-faciale, des extrémités, crampes (main d’accoucheur, spasme carpo-pédial, laryngospasme, signes de Trousseau et Chovstek)
    • convulsion généralisées (petit ou grand mal), focalisée (diminution du Cai intra-thécal)
    • œdème papillaire+/- hypertension intra-cranienne (HTIC)
    • psychiatriques : anxiété, labilité émotionnelle, dépression, hallucination, confusion, psychose.
  • Favorisée par :
    • alcalose respiratoire (hyperventilation) ou métabolique
    • hypokaliémie
    • hypomagnésémie

 Forme chronique

  • troubles trophiques : xérose, ongles secs et cassants, chute de cheveux, hyperpigmentation, eczéma, mycose
  • cataracte
  • cardio-vasculaire : hypotension artérielle, insuffisance cardiaque (hypocontractibilité)
  • troubles psychiques : polymorphes, peu spécifiques.

 5) Etiologies

 Parathyroïdiennes (diminution de la sécrétion ou de l’activité de la PTH entrainant une
diminution de l’ostéolyse et de la réabsorption tubulaire et une augmentation de la phosphorémie)

  • acquise :
    • post-thyroïdectomie, radiothérapie cervicale, chirurgie de loge thyroïdienne
    • infiltration : amylose, hémochromatose, maladie de Wilson, métastase
    • dysimmunitaire : présence d’anticorps anti-récepteur calcique au niveau des cellules parathyroïdiennes
    • poly-endocrinopathie Auto-Immune (PEAI)
    • anémie de Biermer
    • candidose cutanée chronique

 Pseudohypoparathyroïdie (résistance à l’activité de la PTH)

  • type 1 associée à l’ostéodystrophie héréditaire d’Albright (face ronde, raccourcissement des métacarpes, taille courte, épaississement de la voûte crânienne). Mutation du gène GNSA1.
  • type 2, controversé (résistance intracellulaire à l’AMPc)

 Hypovitaminoses D (vitamine liposoluble)

  • carence alimentaire
  • défaut d’exposition solaire
  • syndrome de malabsorption
    • entéropathies exsudatives
    • résection intestinale
  • insuffisance pancréatique exocrine
  • abus de laxatifs
  • pathologie hépato-biliaire
    • cholestase chronique
    • cirrhose biliaire primitive
  • syndrome néphrotique
  • rachitisme vitamine D &résistant (résistance à l’activité de la 1-25(OH)2 D3)

 Insuffisances rénales

  • hyperplasie secondaire parathyroïdienne mais résistance à l’action osseuse de la PTH et diminution de la réabsorption tubulaire

 Transfert de calcium ionisé

  • dans les tissus mous :
    • insuffisance rénale aigue
    • syndrome de lyse (rhabdomyolyse, lyse tumorale)
    • administration de phosphates
    • pancréatite aigüe (formation de sels de calcium intra-abdominaux)
  • dans le tissu osseux :
    • métastase ostéoblastique (néoplasie mammaire, prostatique)
    • Hungry Syndrom (ou hypocalcémie iatrogène post-parathyroïdectomie)
  • intra-vasculaire :
    • transfusion de sang citraté massif, rapide sur terrain d’insuffisance hépatique
    • foscarnet (formation de complexes de calcium ionisé)

 Déplétion en magnésium (Mg2+ < 0,5mmol/l responsable d’une diminution de la sécrétion et résistance périphérique à la PTH)

  • alcoolisme chronique
  • syndrome de malabsorption
  • iatrogènes : cisplatine, diurétiques, aminoglycosides, inhibiteurs de la pompe à protons (IPP)

 Hypercaliurie

  • diurétiques
  • tubulopathie

 6) Diagnostics différentiels

 Hypoalbumémie (diminution de fixation du calcium non ionisé)

  • réanimation post-chirurgicale
  • septicémie (cytokines)
  • grand brûlé

 Tube mal décalcifié

 7) Biologie

 8) Traitement

 Calcium IV, uniquement en cas de signe ECG : Gluconate de Ca 10% : 1 Ampoule IVL en 4mn, puis 5 Ampoules dans 500cc de G5% à passer à la vitesse de 50cc/h IVCSE. Risque de veinite. Ne pas administrer de bicarbonates ou phosphates qui forment des sels insolubles

 Vitamine D 1 alpha hydroxylée 0.5 à 1 µg/jour

  • UNALPHA 0,5 ou 1 µg ou ROCALTROL 0,25 µg per os

 Substitution en calcium per os.

  • calcium : 1000 à 2600 mg/jour en 2 à 4 prises
    • CALCIDIA® (carbonate de calcium, cp 1,54 g de Ca)
    • CALCIUM SANDOZ® (gluconolactate + carbonate de calcium, cp 500 mg de Ca)

 Régime hypercalcémiant et hypophosphorémiant

 Objectif : Calcémie= 2 - 2,1mmol/L

 La surveillance est capitale :

  • risque d’hypercalcémie et de lithiase rénale, fenêtre thérapeutique étroite car risque important d’hypercalcémie cf Codu hypercalcémie aigue
  • Le monitorage très rapproché et très réactif des calcémies est donc indispensable à la sortie de l’hôpital si décision de non hospitalisation (suivi en étroite collaboration avec un endocrinologue)

 9) Bibliographie

 SFTG Paris Nord, compte-rendu de soirée Physiologie et pathologie du Calcium, L Deyris A. El-Kaddi, expert Dr Fouquray, néphrologue, Hôpital Tenon
 Bushinsky DA & J Monk RD, Calcium, Lancet 1998 ; 352:306
 Monographie "Pathologie du calcium et du phosphore" La Revue du Praticien 1er juin 1998 Tome 48 N°11 (1161-1276)
 Physiologie humaine, Meyer

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