Messages importants
– Les accidents à haute vélocité (accidents de la voie publique et chutes de grande hauteur) sont responsables de la majorité des traumatismes thoraciques sévères engageant le pronostic vital. La prise en charge médicalisée sur le lieu de l’accident permet un transfert direct des patients en unité spécialisée dédiée
– Les traumatismes thoraciques pris en charge aux urgences sont majoritairement secondaires à des accidents de faible cinétique. Ils nécessitent une prise en charge rigoureuse car ils peuvent engager le pronostic vital du fait du terrain (patient âgé, insuffisance cardiaque ou respiratoire) et/ou de l’atteinte possible d’éléments nobles (rate, foie). Le pronostic vital peut-être engagé chez des patients parfaitement stable à l’arrivée en cas de cinétique élevée (>50km/h)
– Les patients stables victimes de traumatismes à haute énergie doivent bénéficier d’une tomodensitométrie
– La gravité des traumatismes thoraciques dépend
- du type de traumatisme (cinétique élevée)
- du terrain : âge > 60 ans, antécédents cardiopulmonaires
- de la clinique : état de choc, troubles de conscience, hypoxie sévère, douleur majeure
- des conséquences traumatiques : contusion pulmonaire > 20 %, nombre élevé de fractures de côtes et/ou caractère bilatéral, volet thoracique, lésions extrathoraciques associées (notamment neurologiques, abdominales et osseuses), contusion myocardique
– L’examen clinique complet est indispensable (patient polytraumatisé)
Tri IAO
– Tri 1 : Tableau de détresse vitale
– Tri 2 : Cinétique > 50 km/h, EVA > 7, arguments en faveur contusion myocardique, insuffisance respiratoire, douleurs abdominales et/ou fractures des dernières côtes, fractures costales multiples ou bilatérales
– Tri 3 à 4 : en fonction de l’EVA, de l’âge du patient, de la date du traumatisme
Mécanismes lésionnels
– Les accidents de sport (équitation, escalade, sports de combat, ..) et les accidents domestiques (chute d’escalier ou d’échelles, ...) partagent avec les accidents de la route la responsabilité de survenue des traumatismes thoraciques
– Plusieurs mécanismes lésionnels peuvent intervenir séparément ou en association :
- lésions par compression :
- la contusion ou choc direct : les lésions siègent en regard du point d’impact au niveau pariétal et des structures directement sous-jacentes
- l’écrasement antéropostérieur est directement responsable de lésions médiastinales et à distance de fractures costales bilatérales de dedans en dehors mais aussi de rupture antéropostérieure du diaphragme
- l’absorption de l’énergie cinétique est variable avec la rigidité des structures et donc l’âge. La rigidité thoracique augmentant avec l’âge, les volets et fractures de côtes sont plus fréquents chez les sujets âgés. Les contusions pulmonaires et les ruptures diaphragmatiques sont plus fréquentes chez les adultes jeunes. Ainsi l’enfant et le nourrisson ont une paroi thoracique cartilagineuse dont la souplesse peut expliquer des dégâts intrathoraciques majeurs sans fracture de côte
- lésions par décélération
- certains organes comme le cœur et la crosse de l’aorte sont relativement mobiles dans le thorax au contraire de l’aorte descendante et des artères intercostales qui sont fixés à la paroi. Lors de l’arrêt brutal du corps, chaque organe poursuit sa course pour son propre compte en fonction de son poids et de sa densité. Ces déplacements internes sont source de lésions de tiraillement, de cisaillement ou d’écrasement des zones de jonction des différentes structures (notamment isthme aortique et bronche souche gauche)
- une décélération instantanée de 20 km/h est en règle sans conséquence. Au-delà de 35 km/h, il existe un risque de lésion de moyenne gravité. Au-delà de 50 km/h, le risque de lésion grave est important et les patients stables victimes de traumatismes à haute énergie doivent bénéficier d’une tomodensitométrie
- les lésions de blast sont liées à la transmission à l’organisme d’ondes de surpression secondaires à une explosion violente
Diagnostic clinique
– Le diagnostic de fracture de côte est avant tout clinique devant une douleur exquise localisée associée éventuellement à un craquement douloureux
– Le diagnostic de volet thoracique est clinique avec la mise en évidence d’un segment de paroi désolidarisé du grill costal présentant des mouvements respiratoires paradoxaux par rapport à l’ensemble de la cage thoracique
– Les signes de gravité tels que le choc et la détresse respiratoire doivent faire évoquer dans un pneumothorax compressif, une hémorragie pleurale ou médiastinale massive voire une tamponnade
– La présence de signes d’insuffisance cardiaque droit doit faire évoquer une tamponnade gazeuse par pneumothorax compressif ou par hémopéricarde
– La palpation des pouls et la prise de pression artérielle aux quatre membres est importante (une asymétrie est en faveur d’une rupture aortique)
– l’existence d’un emphysème sous-cutané cervical oriente vers une rupture trachéobronchique et l’existence d’un emphysème sous-cutané thoracique vers un pneumothorax
– la constatation d’une ecchymose thoracique (ceinture de sécurité) est évocatrice de choc violent et est associée à une plus haute incidence de lésions internes significatives
– une hémoptysie peut-être le témoin d’une rupture trachéobronchique ou d’une contusion pulmonaire grave
– tout emphysème sous cutané prédominant ou ayant débuté dans le cou, toute hémoptysie post traumatique, toute atélectasie inexpliquée, tout pneumothorax sans fracture de côte doivent faire suspecter le diagnostic de rupture bronchique
Les lésions thoraciques
Lésions médico-chirurgicales
Fractures de côtes
– sont plus fréquentes chez le sujet âgé compte tenu de la rigidité thoracique inhérente à l’âge. Chez l’adulte jeune, on peut observer des lésions parenchymateuses cardio-pulmonaires graves avec peu, voire en l’absence, de fractures de côtes
– la fracture de côte n’est pas un évènement banal. Le retentissement de la douleur sur la ventilation peut-être la source d’infection et de décompensation respiratoire
– risques selon le siège :
- une fracture des 1res et 2e côte témoigne d’un traumatisme sévère et comporte un risque de plaie de l’artère sous clavière (faisant discuter une artériographie) avec risque d’arrachement du plexus brachial
- une fracture sous la 8e côte doit faire évoquer la possibilité d’une lésion hépatique ou splénique
– risques selon le nombre :
- un nombre élevé de fractures de côtes et l’existence d’un volet thoracique témoignent d’un choc à haute énergie cinétique et sont des éléments de gravité quel que soit l’âge (corrélation avec des lésions sévères cardiaques, pulmonaires et/ou hépatospléniques)
- la présence de plus de trois fractures de côte est le témoin d’un choc à haute énergie et sa seule constatation justifie pour certains une hospitalisation. La présence de plus de cinq fractures de côte est un facteur indépendant de mortalité
- le caractère bilatéral des fractures est également important et l’existence de plus de trois fractures de côte intéressant les deux hémithorax est associée à une haute incidence de lésions sévères
Fracture du sternum
– témoin de haute vélocité et donc de gravité, notamment par la possibilité de contusion myocardique associée
Lésions pleurales
– pneumothorax
- généralement secondaire à la perforation du parenchyme pulmonaire par un fragment costal (la présence d’un emphysème sous-cutané signe l’existence du pneumothorax). D’autres mécanismes sont possibles (brèche pleurale par rupture d’une bulle préexistante ou par hyperpression intrathoracique brutale à glotte fermée à l’origine d’une rupture alvéolaire, lacération du parenchyme pulmonaire causée par une décélération rapide, lésion trachéobronchique ou œsophagienne)
- les révélations secondaires sont possibles (apparition après la 24e heure)
Hémothorax
- témoigne le plus souvent d’une lésion vasculaire intercostale, pariétale ou mammaire interne. Le sang devient incoagulable car il est défibriné par les mouvements respiratoires. Les lésions veineuses sont à l’origine d’hémothorax de tarissement spontané alors que les lésions artérielles nécessitent en règle une hémostase chirurgicale
- un pneumothorax peut lui être associé (hémopneumothorax)
Chylothorax
– rares, ils sont la conséquence de ruptures du canal thoracique qui chemine dans le médiastin postérieur et se jette dans la veine sous-clavière gauche (les ruptures basses sont responsables d’épanchement pleuraux droits, les ruptures hautes d’épanchements gauches). L’association à un hémothorax masque souvent le diagnostic initial mais la récidive de l’épanchement et surtout son aspect lactescent évoquent le diagnostic
contusions pulmonaires
– siègent sous l’impact et à l’opposé du parenchyme (lésions de contrecoup) lors des traumatismes directs, et sont périphériques et péri-hilaires lors des décélérations brutales
– la lésion peut rester circonscrite à la zone de l’impact ou s’étendre à l’ensemble du parenchyme pulmonaire (œdème lésionnel) dans les heures qui suivent le traumatisme (SDRA)
pneumothorax et contusion pulmonaire objectivés sur TDM au décours d’un traumatisme thoracique (AVP)
contusions myocardiques
– Différents mécanismes possibles :
- compression directe du cœur par le sternum
- cisaillement lors d’une décélération avec impact postérieur
– une contusion de faible énergie (choc sportif par une balle de type hockey, golf, base-ball) peut être responsable d’une fibrillation ventriculaire si l’impact a lieu 30 à 35 ms avant le pic de l’onde T (absence de lésion anatomique)
– lors des chocs à haute énergie, des lésions anatomiques apparaissent (le ventricule droit et le septum sont les plus exposés).
- des arythmies sévères indépendantes de la synchronisation avec l’onde T peuvent survenir, par un mécanisme de réentrée autour de la lésion. Ces arythmies surviennent au cours des 24 premières heures et justifient un monitorage cardiovasculaire au cours de cette période
– le dosage de la troponine n’a pas d’intérêt dans les traumatismes thoraciques de faible cinétique (haute probabilité de contusion si fracture du sternum, volet thoracique antérieur). L’importance et la durée (>12h) de son élévation sont des reflets directs de la gravité de la contusion myocardique
Lésions chirurgicales
– les ruptures de l’aorte thoracique sont le fait de traumatismes à haute vélocité (voie publique, chutes de grande hauteur). Si les ruptures aortiques traumatiques sont classiquement présentées comme l’exemple type de lésion de décélération frontale, elles surviennent également lors des chocs latéraux. 20 % des patients décèdent après leur arrivée à l’hopital. Dans la rupture de l’isthme de l’aorte, le décès est le plus souvent immédiat, mais il peut être différé si l’adventice aortique contient temporairement l’hémorragie
– les ruptures trachéobronchiques siègent autour de la carène et à moins de 2 cm de cette dernière dans la majorité des cas. La lésion peut-être une simple fissure entrainant une fuite temporaire ou une section complète avec lésion des artères bronchiques satellites et fuite aérienne permanente dans le médiastin et vers le cou (pneumothorax compressifs, tamponnade gazeuse, saignement trachéal)
– les ruptures diaphragmatiques résultent soit d’une contusion abdominale (mécanisme d’hyperpression) soit d’un écrasement thoracique (augmentation brutale du diamètre transversal) entrainant une hernie des viscères abdominaux (à gauche dans 90% des cas). L’interprétation des clichés est délicate en cas d’hémothorax ou de contusion pulmonaire associée. L’air colique ou gastrique ne doit pas être pris pour un pneumothorax
– les ruptures œsophagiennes sont rares
Examens paracliniques
Radiographie du thorax
– intérêt limité chez les patients conscients, victimes d’un traumatisme thoracique fermé sans caractère de gravité dont l’examen clinique ne montre aucune anomalie
- l’American College of Emergency Physicians recommande de ne plus pratiquer systématiquement de radiographie du thorax ou du gril costal en cas de traumatisme thoracique sans signe de gravité, sauf s’il existe une suspicion de fractures des premières ou des trois dernières côtes, une suspicion de fractures multiples, et chez les patients de plus de 65 ans. Le diagnostic est également utile pour la rédaction des certificats descriptifs
– l’emphysème sous-cutané peut gêner la recherche de pneumothorax en mimant l’aspect radiologique du parenchyme pulmonaire
– l’existence d’opacités alvéolaires évoque une contusion pulmonaire
– Signes en faveur d’une atteinte aortique :
- un élargissement médiastinal de plus de 8 cm est un signe radiologique classique de dissection aortique. La combinaison d’un élargissement médiastinal gauche (distance entre le milieu de la trachée et le bord gauche du médiastin au niveau du bouton aortique) de plus de 6 cm et un index médiastinal supérieur à 0,6 (rapport entre la largeur médiastinale gauche et la largeur médiastinale totale) est un meilleur critère
- l’effacement du bouton aortique, une fracture d’une des deux premières côtes, la latéro-déviation droite de la trachée et de la sonde gastrique sont des signes indirects classiques de rupture aortique sous-isthmique
– le grill costal : améliore la sensibilité de détection des fractures de côtes
emphysème sous cutané géant masquant les signes radiologiques de pneumothorax bien visibles sur le TDM :
Tomodensitométrie (TDM)
– performance diagnostique largement supérieure à la radiographie thoracique standard pour le diagnostic des contusions pulmonaires, des épanchements pleuraux liquidiens et gazeux, de rupture aortique
– systématique chez tout patient victime de traumatisme thoracique à haute énergie même si le cliché thoracique de face est considéré comme normal
Pneumothorax antérieur post traumatique visible seulement sur le TDM :
Electrocardiogramme (ECG)
– recherche des signes de contusion myocardique, plus rarement de tamponnade voire d’infarctus du myocarde
– les anomalies les plus fréquentes pour le diagnostic de contusion myocardique sont une tachycardie sinusale et des extrasystoles. Les arythmies ventriculaires graves sont rares mais constituent le risque principal de décès. Des troubles de conduction à type de bloc de branche ou de BAV sont possibles. Des troubles de repolarisation sans onde Q sont très fréquents. Un ECG normal n’exclut pas le diagnostic
- ces anomalies, très peu spécifiques, ont d’autant plus de valeur qu’elles sont fugaces et que le patient est jeune et indemne de pathologie cardiaque
- un ECG normal à H3 post-traumatique au décours d’un traumatisme de faible énergie permet en règle d’exclure le risque de complication cardiaque
Échographie thoraco-abdominale transpariétale
– réalisée en salle de déchoquage dans les cas de traumatisme sévère, permet le dépistage de lésions nécessitant un traitement rapide (tamponnade, contusion myocardique grave, pneumothorax, hémothorax, hémopéritoine)
Endoscopies
– la fibroscopie bronchique est réalisée dès qu’il existe une suspicion clinique de lésion bronchique ou trachéale
– en cas de suspicion de lésion œsophagienne l’opacification digestive permet d’éviter l’insufflation d’air nécessaire à l’endoscopie digestive
Traitement
Seules les grandes lignes thérapeutiques sont abordées
– Fracture costale
- le traitement repose sur la prise d’antalgique oral et le repos
- recours si besoin aux antalgiques morphiniques +++
- un bon critère d’efficacité du traitement antalgique est la possibilité d’une toux efficace
- la consolidation est acquise en 3 semaines (la pseudarthrose est exceptionnelle)
- en cas de sortie la prescription de kinésithérapie respiratoire est utile afin de prévenir le risque de complication et une consultation médicale de réévaluation dans les 3 à 5 jours devrait être systématique
- l’hospitalisation est indiquée en cas d’antalgie inefficace, de risque de décompensation secondaire et en cas de fractures costales multiples
– Pneumothorax cf CODU pneumothorax
- le traitement dépend de son importance (lorsqu’il est localisé au sommet < 3 travers de doigt une surveillance hospitalière est possible. Le recours au drainage est la règle dans les autres cas (la suspicion de pneumothorax compressif impose une exsufflation à l’aiguille)
- le recours au drainage est la règle en cas d’hémothorax (risque d’infection et de séquelles à distance). L’hémothorax peut cependant être respecté s’il est peu abondant (<200 ml)
– Contusion pulmonaire :
- le risque de surinfection est grand mais l’antibiothérapie n’est pas systématique
- l’hospitalisation dépend de la tolérance et la réévaluation après quelques heures utile
– En fonction du contexte : - ventilation non invasive ou invasive
- remplissage vasculaire/transfusion
– Indications opératoires :
- tamponnade péricardique
- hémorragie continue (drainage > 300 ml/h)
- rupture trachéobronchique
- lésions des gros vaisseaux
- lésions de l’œsophage
- rupture du diaphragme
Bibliographie
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– Bergeron E, Lavoie A, Clas D, et al. Elderly trauma patients with rib fractures are at greater risk of death and pneumonia. J Trauma 2003 ; 54:478-85
– Définition du traumatisme simple. D’après Adnet F. Prise en charge d’un traumatisme sans signe évident de gravité. Séminaire SFMU 2003
– Prise en charge thérapeutique initiale des traumatismes thoraciques fermés et filière d’aval. In SRLF, Ed actualités en réanimation et urgences. Paris : Elsevier 2000, p. 347-56
– Gunesh P. Rajan, Zellweger R. Cardiac troponin I as a prdictor of arrhythmia and ventricular dysunction in trauma patient with myocardial contusion. J Trauma. 2004, 57:801-808
– Ahmad MA, Sante ED, Giannoudis PV. Assessment of severity of chest trauma : is there an ideal scoring system ? Injury 2010 ;41:981&3
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